L'AFRIQUE ECRITE AU FEMININ Notes de lecture |
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Note de lecture de Pénélope-Nathasha Pemba, proposée sur son blog "Nathasha Pemba", 2015
C'était quand la dernière fois?
Ah oui! C'était hier... au téléphone. Avec une amie. Nous parlions de ces « groupements ésotériques » qui cooptent les jeunes dès la fin de leurs études... ou quelques fois pendant qu'ils sont encore sur le banc de l'école. Ces groupes mystico-philosophiques qui prennent souvent plusieurs noms... car en réalité personne n'ose en parler, puisqu'à vrai dire personne ne sait ce qui s'y déroule. A part, peut-être, les véritables initiés eux-mêmes. Or un initié ne parle jamais. Mais d'où vient donc que certaines âmes humaines soient au courant des rituels de ces groupes ésotériques? Est-ce l'œuvre des dissidents? Des traîtres? Des rejetés? Ou simplement le fruit de l'imagination? A-t-on ici affaire à une œuvre fictive? A lire ce roman de Nadia Origo, on dirait que ce n'est pas le cas. [...]
De prime abord, je préfère vous avertir que je ne suis pas une critique littéraire. J'écris ou je résume le livre avec mon cœur et selon une compréhension certainement très subjective.
Ensuite, je dirai que ce type de roman traitant ce genre de sujet est plutôt rare. Un roman de 89 pages que j'ai lu d'un trait... à la librairie où je venais de l'acheter. Assise devant une tasse de café... mon sac posé au sol, le manteau posé sur le dossier de mon fauteuil. [...]
De quoi parle ce roman?
L'auteur transporte son lecteur en Afrique centrale au Gabon, à Libreville précisément. Pour avoir voyagé plusieurs fois dans ce pays, je n'ai pas eu de mal à situer certains quartiers comme Kembo, un quartier populaire comme Tié-Tié ou Siafoumou à Pointe-Noire ou encore Okala, une banlieue librevilloise. Dans cette ville-capitale on croise des Monolistes et des croyants, des athées aussi. Et dans ce milieu de Monolistes, lieu du déroulement de cette fiction, on rencontre Martial. Martial qui comme tous ces jeunes des pays africains de la post-modernité, ne sait pas ce qu'il deviendra à la fin de ses études. Il continuera certainement à être lui, mais comment se réalisera-t-il au niveau professionnel s'il n'a pas de piston? [...]
D'entrée de jeu, l'auteur à travers un sous-titre accrocheur: « L'initiation », parle des recruteurs qui, investis d'un certain pouvoir, partent à la quête des futurs adeptes de leur secte « le Monolisme ». Martial se pose la question des critères de sélection mais ne parvient pas à y répondre. Toujours est-il qu'il fait partie des recrutés. Il a été choisi pour participer au bal des débutants. Parmi les Monolistes, il y a les élites du pays, mais il y a aussi des gens plus modestes, et quelques fois même des « sans classe » qui ont été choisis grâce à leur intelligence. [...]
Le roman de Nadia est un roman d'actualité. Il parle du présent et dévoile cette mode que personne n'ose nommer de peur de s'attirer les foudres de quelques initiés. Jamais dans les sociétés africaines post-modernes on a autant parlé de "groupes ésotériques" que de nos jours. L'écriture du roman est limpide. Empreinte d'un brin d'humour. Humour qui témoigne de la crainte de ceux qui se savent cooptables. [...]
Martial, aîné de sa famille et orphelin de père, est la proie idéale. Sa mère est vendeuse au marché. Il est recruté après l'obtention de son bac et il rejoint la secte. D'abord par curiosité. Puis par l'offre d' « une bourse dans une grande école supérieure en Occident ». Il y a aussi l'encouragement de la mère qui elle-même ne sait pas trop de quoi il s'agit. Elle ne compte que sur « le nom de Jésus ». Alors, il décide de tenter sa chance. Finalement il est retenu parmi ceux qui doivent aller étudier à l'étranger. Les futurs cadres du pays. Un parrain a déjà été choisi pour lui. Cet éminent professeur pour qui il a tant d'admiration: un homme simple et droit.
Mais, à la fin d'une conférence organisée par les Monolistes, le livre initiatique qui lui est remis le trouble. « Jusqu'ici nous étions restés dans du philosophique un peu étrange, » dit-il. « Mais là, le champ sémantique change. Ce livre me pose problème, il me perturbe énormément, des êtres bizarres et des objets étranges y sont mentionnés comme partenaires du processus initiatique... ». (p. 22) [...] « Je suis sans doute le plus incrédule de toute la bande, les autres semblent bien savoir pourquoi ils sont là et ce dans quoi ils s'engagent. Ils sont stoïques et captivés tandis que moi je parais dubitatif. Mes yeux parcourent la salle, je scrute le moindre recoin à la recherche d'un regard complice, mais en vain. Les autres dans un silence froid regardant droit devant eux, rien ne semble les distraire. Pour mon voisin de gauche ce n'est qu'une formalité. Depuis trois générations ils sont membres de la secte... », pense-t-il. (p. 27).
Martial essaie de se convaincre que tout cela n'est pas trop grave mais les choses vont se préciser: Martial est bel et bien membre d'une secte dont la réussite sociale exige d'oublier certaines réalités. On a l'impression qu'il se brouille volontairement la vue pour ne pas voir... ce qu'il devrait voir.
C'est alors que Martial reçoit la convocation du Grand Maître « le Victus-Malia ». Une convocation urgente...
Dois-je conclure?
Nadia Origo entraîne son lecteur dans le monde obscur des groupes mystico-philosophiques qui foisonnent au sein de l'élite de certains pays. Un monde où l'homme « sans classe » est soit manipulé soit simplement écarté. Un monde où le climat social dégénère et où l'on finit par se demander si les notions de vertu, de fraternité et d'humanité prônées dans ces groupes ne sont que des slogans. Ce livre est un véritable plaidoyer social, politique et religieux... Il me rappelle la fable de l'écureuil et la noix de palme. L'écureuil savait bien qu'il était interdit d'en manger, mais la noix était tellement belle et pimpante qu'il se dit: « Je vais juste la cueillir et jouer avec elle »... Ensuite, il se dit: « Je vais juste la poser sur ma langue... mais je ne mâcherai pas »... On connait la suite de ce genre d'histoire. Il finit par mâcher et même avaler et la noix se bloque quelque part... il en meurt... rires.
Mais... le monolisme, qu'est-ce?
Mono vient du grec « monos »... Il signifie « seul », « unique » ... Nadia Origo vise donc aussi l'individualisme... une caractéristique du siècle dans lequel nous vivons...
Je vous invite à lire la suite du livre de Nadia pour y découvrir les aventures de Martial. Deux sous-titres bien intrigants: « Le dilemme » et « L'exil forcé » en laissent deviner tous les rebondissements.
Bon voyage...
Pénélope Mavoungou 6 janvier 2015
https://lesanctuairedepenelope.overblog.com/
[Pour les commentaires, voir le blog]
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