Avec la sortie de Cocohi, le petit poussin jaune, Mme Goba dite
Jeanne de Cavally, est considérée en Côte d'Ivoire et
même en Afrique, comme la spécialiste de la littérature
enfantine, Jeanne de Cavally a déjà publié Papi (1978),
Pouê-Pouê, le petit cabri (1981), Le réveillon de Boubacar (1981), Bley et sa bande (1987).
Tous ses ouvrages ont été publiés par les Nouvelles
Editions Africaines d'Abidjan (01 BP 3525 Abidjan).
** Jeanne de Cavally née Wawa, épouse Goba, est une ancienne de l'Ecole Normale des Institutrices de Rufisque (promotion juin 1949). Elle a dirigé plusieurs établissements primaires publiques et a formé de nombreux enfants, qui sont devenus aujourd'hui des cadres importants de la société ivoirienne. Pour nos lectrices, nous sommes allés à sa rencontre à Marcory-résidentiel, où elle passe sa retraite au milieu de ses enfants et petits-enfants. |
Jeanne de Cavally, on peut dire maintenant que vous êtes la spécialiste de la littérature enfantine en Côte d'ivoire et même en Afrique ?
Spécialiste de la littérature enfantine en Côte d'ivoire et en Afrique? Je ne sais pas. Je pense qu'il y a d'autres auteurs africains de livres pour enfants !
Pourquoi cet intérêt pour la littérature enfantine ?
Nul n'ignore l'importance de la lecture, source d'instruction et de renseignements, entre autres avantages. Or, c'est dès l'enfance, que l'homme doit apprendre à lire. Ce qu'il lit doit être en mesure de l'intéresser et être bénéfique pour lui.
Qu'apporte-t-elle aux enfants ?
A part les livres scolaires, les enfants n'ont pas d'autres ouvrages sous la main. Ou alors, ils tombent sur de la lecture inadaptée et souvent immorale. J'ai alors songé à écrire des ouvrages qui les intéressent.
Quel doit être le rôle de la mère dans l'apprentissage ou dans le fait de donner le goût de la lecture à l'enfant ?
La mère doit choisir des ouvrages adaptés à l'âge de son enfant, des ouvrages sains pour son esprit, s'y intéresser elle-même et l'y intéresser. Il faudra qu'eIIe fasse la lecture avec son enfant, lui expliquer avant de le laisser continuer seul, lui expliquer patiemment les passages qui présentent quelques difficultés pour lui.
Avec "Bley et sa bande", vous écrivez plutôt pour des adolescents ?
Bley et sa bande, là, je m'adresse aux adolescents qui sont aussi des enfants, nos enfants ; eux aussi ont besoin de lecture saine, eux qui viennent à peine de sortir de l'enfance, mais qui n'ont pas encore atteint le seuil de l'adulte. Plus que jamais, leur lecture doit être surveillée. La encore la mère a un rôle important à jouer.
Maintenant vous publiez "Cocohi, la petit poussin jaune". Quelle leçon voulez-vous donner aux enfants ?
Cocohi est un petit poussin aimé de sa famille, mais qui présente certains défauts : il est désobéissant, étourdi et impoli envers les autres animaux de la basse-cour. Après bien des mésaventures dues à son caractère, il retrouve sa mère et ses frères, qu'il avait perdus et prend la résolution de se corriger. Par ce récit je fais savoir aux enfants, qu'on est toujours puni quand on n'obéit pas à ses parents.
Comment écrivez-vous un livre pour les enfants ? Avez-vous des conseils à donner aux femmes qui aimeraient écrire pour eux ?
J'ai toujours observé autour de moi - scènes de vie quotidiennes, incidents, etc... Pour écrire mes livres pour les enfants, je choisis toujours des sujets à leur portée : famille, animaux familiers, jeux, etc... Je profite de certaines circonstances, d'où je lire une leçon de morale. J'évite le plus possible les phrases compliquées, les récits trop longs donc fatigants. N'oublions pas qu'il s'agit de tout jeunes enfants. Je me félicite que mes ouvrages soient abondamment illustrés; ce qui intéresse énormément les enfants. En cela, je félicite et remercie très sincèrement les illustrateurs. Quant au temps, je dispose de beaucoup de loisirs, étant à la retraite, quand ma santé et mes soins à l'étranger me permettent d'écrire.
Mon souhait est que d'autres femmes africaines écrivent pour les enfants. Elles sont plus proches d'eux; elles les comprennent mieux que quiconque, sont au courant de leurs aspirations, de leurs besoins. Qu'elles regardent autour d'elles, il y a tellement de choses qui intéressent nos enfants! Surtout qu'elles ne parlent pas de temps ! Quand on tient à quelque chose, on trouve toujours le temps de le faire.
Vous êtes à la retraite. Comment la passez-vous ? Et quels conseils pourriez-vous donner à celles qui n'ont pas encore atteint ce seuil pour mieux la préparer?
Ma retraite se passe dans le calme, car ma santé n'est pas très florissante. J'en profite pour écrire, lire pour me distraire et surtout pour me mettre au courant de ce qui se passe dans mon pays et aussi dans le monde. Je joue aussi à l'art d'être grand-mère, car j'ai, pour le moment, sept petits-enfants que j'adore et qui me le rendent bien.
A celles qui n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite, je dis de ne pas s'affoler, d'attendre ce moment dans la sérénité. Tous les âges de la vie ont leurs joies et leurs peines. L'essentiel est d'accomplir son devoir le mieux possible, afin de n'avoir pas plus lard des regrets.
Revenons à la lecture. Comment le maître, en classe, peut-il donner le goût de la lecture aux enfants ?
Le maître doit encourager ses élèves à lire d'autres ouvrages, à leur portée, en dehors des livres scolaires. Je lui conseillerais même d'installer une petite bibliothèque dans sa classe et dont les ouvrages, choisis par lui, seraient fournis par la coopérative gérée par les élèves eux-mêmes.
Comment expliquez-vous le goût de certaines femmes africaines pour la lecture à "l'eau de rose" ?
Tout d'abord, cette lecture "à l'eau de rose" est très facile à lire. Ensuite, elle se termine invariablement bien, car l'issue des sujets traités est toujours comme elles la souhaitent. Seulement voilà ! Tout ne se passe pas ainsi dans la vie, bien au contraire ! Il faut que les lecteurs de tels livres comprennent que c'est aller au devant de bien des déceptions, car ils donnent une idée fausse de la vie. Il faut conseiller à ces femmes des ouvrages traitant de la vie quotidienne, des sujets d'actualité : enfants, famille, travail, ce qui se passe dans leur environnement et ailleurs, mode, coiffure (pourquoi pas?). Il faut qu'elles lisent des ouvrages qui développent en elles de saines aspirations, qui leur ouvrent d'autres horizons.
Pour terminer, dites-nous si vous avez des projets d'écriture pour les adultes et enfin quels souhaits formulez-vous à l'endroit des femmes africaines ?
J'ai aussi des projets d'écriture pour les jeunes gens et les adultes. Actuellement, j'ai presque terminé le manuscrit d'un roman. Aux femmes africaines, je conseille de poursuivre leurs occupations d'épouses, de mères, d'éducatrices, de travailleuses. Partout en Afrique, on sait qu'elles ont compris l'importance de leur concours à l'édification de leurs pays, car c'est sur elles que repose l'avenir de l'Afrique, elles qui ont pour tâche d'éduquer nos enfants.
Propos recueillis
par Isaie Biton Koulibaly