D'Orphée à Prométhée: La poésie africaine au féminin
      https://www.arts.uwa.edu.au/AFLIT/Bassole.html
      © Angèle Bassolé Ouédraogo


      TABLE DES MATIERES
      DE L'ARTICLE

      1. Présentation

      2. Annette M'Baye d'Erneville

      3. Kiné Kirama Fall

      4. Mbengué Diakhaté

      5. Tanella Boni

      6. Véronique Tadjo

      7. Bernadette Sanou

      8. Pierrette Kanzié

      9. Pour conclure

      4. N'DEYE COUMBA MBENGUE DIAKHATE

      ... Après cet envol spirituel, redescendons vers les réalités terrestres auxquelles se heurte N'dèye Coumba Mbengué Diakhaté, une consoeur de Kiné Kirama Fall originaire elle aussi de Rufisque. N'dèye Coumba Mbengué Diakhaté est particulièrement préoccupée par le sort des femmes, ses soeurs du Sénégal et de toute l'Afrique. Le titre de son recueil en témoigne déjà : Filles du soleil[5] (FDS).

      Filles du soleil : un hommage aux femmes!
      La majeure partie du recueil est composée de poèmes qui posent le problème de la condition sociale des femmes (L'Aveugle - mère , Mirage , Tu n'es qu'une femme , Négresse en laisse , Deux négresses ), mais évoque aussi la douleur face à la mort (Jeune femme morte , Veuve ce jour ). La dédicace du recueil est un poème à l'adresse d'une femme ayant perdu la vie en couches :

        Ma soeur si douce!
        Fleur à peine épanouie,
        Mais très tôt perdit la vie,
        Car voulant la donner (FDS, p. 9)

      Ndèye Coumba prône la solidarité féminine comme solution au problème d'insertion sociale des femmes. Ceinture d'amour donne ainsi le ton de cette mélodie de la solidarité:

        Si, des femmes, toutes les mains voulaient s'enlacer,
        Pour former une ceinture embrassant l'Univers;

        Si, des femmes, toutes les voix fredonnaient le même air,
        Dissiper la langueur, et prôner liberté;

        Si, des femmes, tous les coeurs battaient au même rythme,
        Ranimer le vieux monde, par le mal étouffé;

        Si seulement toutes les femmes le voulaient bien;
        Il naîtrait au vieux monde un coeur neuf, plein d'amour et de vie,
        Impulsant sans arrêt du bonheur à foison. (FDS, p. 12)

      Elle rend un hommage mérité à la femme, source de vie, perle précieuse au milieu de tout drame :

        Au coeur du plus sombre bandit,
        Du plus immonde individu,
        Au fond du limon visqueux,
        Il est une fibre d'or.
        Une fibre d'or qui ne saurait rompre,
        Et qui, toute la vie battra,
        Pour rappeler tout le temps,
        Au chérubin, paria ou mécréant,
        Que d'une femme unique au monde,
        Il est l'Enfant Amour (FDS, p. 13).

      A toutes les mères se veut un hymne à la gloire de la maternité, symbole pour la poète d'un rêve unanime d'espoir :

        Fête des mères! de ma mère,
        De toutes les mères sur terre,
        De celles qui ne sont plus...
        Mère noire ma mère, jaune, blanche,
        De vous toutes, de toi ma mère;
        Que par Dieu, ce jour soit béni!

        Du monarque au gueux,
        Du croyant à l'impie,
        Du vertueux au forçat,
        Oubliant un instant les guerres,
        Les violences, les horreurs
        Dans une ronde d'amour,
        Encerclant l'univers,
        D'un seul souffle d'amour,
        Balayant les misères,
        Que par Dieu, retrouvés,
        Tous disent : O mère sois bénie! (FDS, pp. 14-15)

      N'dèye Coumba n'oublie pas les enfants (Supplique pour les petits , Soupir de l'orphelin . Cette préoccupation pour les enfants est un trait caractéristique des écrivaines africaines qui, pour la plupart d'entre elles, publient aussi des oeuvres destinées aux enfants (C'est le cas entre autre d'Annette M'Baye, de Tanella Boni, De Véronique Tadjo, de Bernadette Sanou). Sa poésie témoigne aussi de la difficulté d'être à la fois épouse, mère et écrivaine dans une Afrique où le poids de la tradition pèse toujours comme une épée de Damoclès. Qui mieux que celle-là même qui a dû vivre l'expérience pour en parler?

        Mon coeur est ardent, comme brûlant, mon soleil.
        Grand aussi mon coeur, comme l'Afrique mon grand coeur.
        Habitée d'un grand coeur, mais ne pouvoir aimer...
        Aimer toute la terre, aimer tous ses fils.
        Etre femme, mais ne pouvoir créer;
        Créer, non seulement procréer.

        Et femme africaine, lutter.
        Encore lutter, pour s'élever plutôt.
        Lutter pour effacer l'empreinte de la botte qui écrase.
        Seigneur!... lutter
        Contre les interdits, préjugés, leur poids.
        Lutter encore, toujours, contre soi, contre tout.

        Et pourtant!...
        Rester Femme africaine, mais gagner l'autre.
        Créer, non seulement procréer.
        Assumer son destin dans le destin du monde (FDS, p. 28).

      Le fondement de l'écriture poétique des femmes africaines est une quête identitaire. Quête d'elles-mêmes, quête de l'autre, quête d'une Afrique plus prospère, plus égalitaire, pour le bonheur de ses fils et de ses filles dont le regard, longtemps tourné vers l'horizon, espère l'aube d'un jour nouveau.

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      Notes

      [5] Mbengué Diakhaté Ndèye-Coumba Filles du soleil. Dakar: Nouvelles Editions Africaines, 1980, 42 p.


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