Sokhna Benga, jeune écrivaine sénégalaise, n'a plus besoin
d'être présentée au grand public. Après avoir
publié de nombreux romans dont la "Balade du Sabador" qui lui a valu le
Prix du Président de la République pour les lettres, elle
s'essaie aujourd'hui à une nouvelle carrière: celle de directrice
littéraire aux Nouvelles Editions Africaines du Sénégal.
Elle décide de mettre sa compétence, son expérience et sa
passion pour la littérature au service de l'édition et des jeunes
talents.
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On vous connaît comme auteur de plusieurs romans. Or, depuis quelque temps, vous occupez la fonction de Directrice littéraire aux Nouvelles Editions Africaines du Sénégal. Avez-vous embrassé cette nouvelle carrière récemment ?
Oui, tout à fait ! J'occupe cette fonction depuis juste deux ans. J'ai débuté le 14 août 2002.
Comment devient-on directrice littéraire et quelles sont vos prérogatives?
On ne devient pas directrice littéraire sans être passionnée par la littérature et avoir de bonnes références. Les NEAS étaient à la recherche d'une directrice littéraire, j'ai postulé et mon CV a été retenu. Quant à mes prérogatives, Je m'occupe de littérature générale et de jeunesse. En outre, une part importante de mes activités consiste à rechercher de nouveaux auteurs et illustrateurs, d'encadrer les jeunes talents, de sélectionner des titres, de rechercher des textes et des nouveaux projets. Enfin, à cette longue liste s'ajoute encore le travail de rédaction, de relecture, etc.
On ne naît pas écrivain et encore moins directrice littéraire. Quel est votre cursus ?
J'ai une formation de juriste spécialisée en droit des activités maritimes qui a "atterri" dans l'édition. Vous voyez, j'ai un itinéraire plutôt atypique.
Vous êtes l'auteur de plusieurs romans et vous êtes encore très jeune. Comment êtes-vous venue à l'écriture ?
L'écriture est une vocation pour moi. J'écris comme je respire. C'est une seconde nature. Je ne conçois pas de rester sans écrire. Je dois toutefois préciser que j'ai été encouragée dans l'écriture par mon père, auteur du célèbre "Maxureja Gey, chauffeur de taxi et journaliste".
Certains écrivains ont des manies: ceux qui ne peuvent écrire que le matin ou que le soir, ceux qui doivent écrire sur des feuilles de papier avec des crayons à papier ou des stylos de telle couleur. Et vous, avez-vous aussi vos petites habitudes pour écrire ?
La seule manie d'écrivain que j'aie est le besoin de solitude. L'écriture est pour moi un acte solitaire.
Quelles sont vos sources d'inspiration ?
Difficile de les déterminer. Je sais seulement que lorsque j'ai une source d'inspiration et que je suis en contact avec elle, l'inspiration est alors au rendez-vous.
Les NEAS ont récemment réédité une vingtaine de romans. Sur quels critères a été décidée la réédition et le choix des auteurs ?
Tous les ouvrages publiés l'ont été suite à la décision d'un comité de lecture indépendant et qui reçoit les livres sous couvert de l'anonymat.
Parmi ces auteurs, avez-vous réédité beaucoup de femmes ?
Le comité A65 de lecture est souverain aux NEAS. Aucun ouvrage, même à rééditer par la maison n'y échappe, que l'auteur soit une femme ou un homme.
Pouvez-vous nous présenter rapidement les NEAS ?
Les Nouvelles Editions Africaines éditent des ouvrages de littérature générale et de jeunesse, des ouvrages scolaires et parascolaires. Elles existent depuis 1972 et ont été créées par le défunt Président poète Léopold Sédar Senghor.
Quel est le pourcentage de femmes écrivains au Sénégal ? Dans quel genre littéraire se distinguent-elles: roman, poésie... ?
Il y a des femmes qui se sont mondialement distinguées par leur plume. Je pense en l'occurrence à Aminata Sow Fall, Mariama Bâ, Nafissatou Niang Diallo, Fatou Ndiaye Sow, Annette Mbaye d'Erneville. Dans la fameuse relève que constitue la jeune génération, et que nous avons la rude tâche de représenter, les femmes ont une place centrale. Les genres les plus visités par les femmes sont le roman, la nouvelle, la poésie, et beaucoup moins le théâtre.
Pourquoi cette réédition ?
Nous voulons promouvoir des ouvrages qui ont remporté un certain succès et mettre sur le marché des livres de meilleure qualité.
Quel regard portez-vous sur la littérature africaine, et sénégalaise en particulier ?
Un regard très optimiste, malgré les difficultés présentes à tous les niveaux, de l'écriture, à l'édition. Il y a une émergence de nouveaux talents.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le cadre de votre nouvelle fonction ?
Elles sont nombreuses. La qualité n'est pas toujours au rendez-vous. Il reste aussi un immense travail sur le fond et sur la forme à faire. Un jeune auteur a besoin d'être bien pris en main par un professionnel de l'écriture qui pourra l'aider à faire éclore le talent qui est en lui. J'ai eu personnellement la chance de côtoyer de grands auteurs comme Boubacar Boris Diop, Aminata Sow Fall, Annette Mbaye d'Erneville ou encore mon père.
Quelle est la ligne des NEAS ?
L'accent est mis sur le scolaire et le parascolaire tout en gardant la littérature générale.
Quelles qualités particulières faut-il pour être une directrice littéraire confirmée et reconnue ?
Etre attentive à toutes les étapes de la chaîne de production. Etre patiente, car sans la patience rien n'est possible dans ce travail de contact. Etre perfectionniste, esthète et fin gourmet des nourritures spirituelles. Et par-dessus tout, rester soi-même. Toutes ces qualités nous sont nécessaires si l'on veut présenter au public des ouvrages de qualité.
Quels sont vos projets en tant qu'écrivain et en tant que directrice littéraire ?
Mes projets se tournent de plus en plus vers le monde du cinéma, où je me présente comme scénariste. Je resterai toutefois écrivain et poétesse, car j'ai encore beaucoup d'ouvrages à écrire et à faire publier. Editrice aussi car c'est un métier que je commence à aimer. Et un jour peut-être, je retrouverai le droit maritime que j'adore.
Propos recueillis
par Véronique Ahyi