Sylvie Bokoko est entrée au couvent
Lauréate en 1981 du Concours organisé par le Ministère Sénégalais de la Culture pour sa nouvelle Mafouaou, la jeune congolaise, Sylvie Bokoko est entrée au couvent |
Sylvie Bokoko est une jeune Congolaise qui écrit. Lauréate d'un concours culturel organisé par le ministère de la Culture du Sénégal, elle a remporté le grand prix du concours avec sa nouvelle "Mafouaou". La nouvelle a été éditée aux Nouvelles éditions africaines de Dakar en 1982. Mais elle a orienté sa vie vers la voie religieuse. Après avoir étudié à Thiès, elle est montée à Paris où elle a pris l'habit depuis le 13 mars 1983. Elle se nomme désormais Emmanuel Marie. Emmanuel veut dire "Amour" en hébreu.
Pensez-vous que la littérature et la religion soient compatibles?
Vous n'êtes pas la première à me poser cette question. Cela m'a toujours étonnée: comment la religion ne serait-elle pas compatible avec tout ce qui existe et tout ce qui est bon: l'art, la science, les techniques, que sais-je! Nous connaissons de grands religieux qui furent de grands savants et de grands poètes, par exemple Teilhard de Chardin et en restant dans le domaine de la littérature, il suffit de penser à Péguy, Claudel ou Bernanos.
Africaine des tropiques, vous sentez-vous dépaysée à Thiès?
Au début oui. J'ai été accueillie par l'Harmattan. J'étouffais car il m'était difficile de respirer ce vent d'Est qui est sec et chaud. Mais les gens sont gentils. Tout de suite, j'ai eu des camarades et à l'école je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer. D'ailleurs, j'y ai trouvé les frères de St-Gabriel que nous appelons chez nous des gabriélistes. De plus, des Congolais de Dakar sont venus me visiter, et aux vacances je suis allée les retrouver. De temps en temps, même, j'ai pu faire de la cuisine congolaise.
Depuis quand écrivez-vous?
J'écris depuis la classe de cinquième des poèmes que je gardais pour moi. Une fois, j'ai eu l'idée de les faire lire à un ami qui les a appréciés; il m'a conseillée d'écrire des nouvelles. Je fis alors un pas de plus vers la littérature. J'avoue que cela n'a pas tout de suite marché. Il m'a fallu prendre du temps pour travailler mes manuscrits et avoir beaucoup de patience et de persévérence.
Il y a des gens qui pensent qu'on écrit parce qu'on a été influencé par des auteurs donnés. Qu'en dites-vous?
Peut-être y a-t-il des gens qui ont écrit parce qu'ils ont subi de nombreuses influences. Ce n'est pas mon cas. J'ai écrit parce que je sentais ce besoin en moi. Je lis beaucoup et je pense que cela m'a permis d'écrire un peu plus facilement.
Avec Sénégal-Culture, vous remportez le grand prix de la meilleure nouvelle. Qu'avez-vous ressenti?
Je ne m'y attendais pas. J'espérais tout de même avoir un prix d'encouragement parce que je savais que ma nouvelle "Mafouaou" le méritait. Mais grande a été ma joie quand j'ai appris que j'avais remporté le ler prix. Ce prix n'est pas seulement le mien mais celui de tous les écrivains africains: j'ai dédié cette nouvelle à tous mes amis du Cercle littéraire de Brazzaville.
Que signifie "Mafouaou"?
Mafouaou, dans une des langues de chez nous, veut dire veuve. En fait, c'est une histoire qui retrace la situation pénible d'une veuve qui doit refaire sa vie à zéro puisque la famille du défunt mari lui ravit tout l'héritage auquel elle a droit. Ces pratiques, hélas, existent encore de nos jours. Et je remercie beaucoup le dramaturge Gilbert Kiyindou qui ne cesse de défendre la femme dans ses nombreuses pièces notamment,
Avez-vous rencontré des écrivains sénégalais?
Oui, particulièrement Madame Aminata Saw Fall, dont l'amitié m'a beaucoup touchée. Nous nous sommes recontrées plusieurs fois pour parler de la littérature. Elle se donne beaucoup au service de ses frères dans le secteur de la littérature. Elle lit toujours avec attention les manuscrits qu'on lui donne. Je regrette de ne pas avoir pu rencontrer notre très chère aînée Mariama Bâ si tôt enlevée à notre affection.
Marie-Léontine Tsibinda. «Sylvie Bokoko est entrée au couvent» Amina 139 (juin 1984) p.31.
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Created: 4 Feb 97
Last modified: 3 June 99
Archived: 12 October 2016
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