TANELLA BONI PRESIDENTE DES ECRIVAINS IVOIRIENS
MADAME SUZANNE TANELLA BONI EST LA PRESIDENTE DE L'ASSOCIATION DES ECRIVAINS DE COTE D'IVOIRE. ELLE A DEJA PUBLIE DES LIVRES ET ENSEIGNE LA PHILOSOPHIE A L'UNIVERSITE D'ABIDJAN COMME MAITRE DE CONFERENCE. |
Quand et comment est intervenue votre élection?
Suite au Congrès extraordinaire de l'AECI (Association des Ecrivains de Côte d'Ivoire) qui s'est tenu en novembre 1991, j'ai été élue présidente de ladite Association.
A quoi sert votre association?
Il s'agit d'une Association apolitique et non confessionnelle qui regroupe en son sein les Ecrivains ivoiriens et non ivoiriens résidant en Côte d'Ivoire. Elle défend les intérêts matériels et moraux de ses adhérents, organise des activités d'animation autour du livre (dédicace, débats, rencontre avec les auteurs etc...). Depuis ce congrès, l'Association s'est fixée un triple objectif, outre la défense des intérêts des écrivains, faire la promotion de l'Ecriture et de l'Ecrivain parce que l'Ecrivain doit avoir une place non négligeable dans la cité, doit jouer un rôle prépondérant dans la sauvegarde du patrimoine culturel en tant que créateur de valeurs. En troisième lieu, l'Association doit avoir une dimension internationale en s'ouvrant sur l'extérieur, en accueillant des écrivains venant d'ailleurs, en organisant au moins une fois l'an, une activité internationale autour du livre.
Quel est le pourcentage des femmes écrivains en Côte d'Ivoire? Qu'écrivent-elles?
Il y a à peu près 10% de femmes écrivains en Côte d'Ivoire. Cela ne fait pas beaucoup, mais je crois que ça viendra avec le temps. Elles écrivent des livres pour enfants, des romans, des nouvelles, des poèmes. Hormis quelques exceptions, elles n'écrivent pas encore pour le théâtre.
Comment expliquez-vous le nombre assez faible de femmes écrivains?
Comment l'expliquer? Cela ne signifie nullement qu'elles ne s'intéressent pas à la littérature de manière générale, bien au contraire. Cela s'expliquerait peut-être par le poids des traditions, les mentalités qui évoluent très lentement. Et puis, pour écrire, il faut du temps pour soi. Il faut que la femme puisse avoir le courage d'arracher ce temps. La femme travaille beaucoup pour la société, la famille, les autres. L'écriture est une activité solitaire et exige que l'on soit disponible pour le faire, que l'esprit conquiert une liberté relative face aux contraintes extérieures. Or, objectivement, ces contraintes pèsent plus lourd pour les femmes que pour les hommes.
Quelles ont été les actions entreprises depuis votre arrivée?
Nous avons déjà organisé des débats sur "Création et critique de presse", sur "Du manuscrit au livre", d'autres débats, dédicaces sont prévus, des ateliers, des récitals etc...
Et vos projets?
S'agissant des projets, il est trop tôt pour en parler. Nous essayerons d'aller toujours de l'avant grâce à toutes les bonnes volontés et à tous ceux pour qui les problèmes du livre, la promotion de l'Ecriture et de l'Ecrivain sont des choses aussi vitales que le boire et le manger.
Présentez-vous maintenant à nos lectrices
Comment me présenter? Je suis mariée, mère de deux enfants, suis Maître de Conférence de philosophie à la Faculté des lettres de l'Université d'Abidjan. Du point de vue littéraire, j'ai publié un recueil de poèmes; Labyrinthe en 1984, un roman: Une vie de crabe en 1990 (NEAS), De l'autre côté du soleil en 1991 (NEA-EDICEF, coll. jeunesse) et, sous presses pour 92, un autre livre pour les jeunes, toujours chez EDICEF.
Quelles difficultés rencontrez-vous à la tête de l'Association?
Ce sont les difficultés de toutes les Associations. Il faut pouvoir rassembler des sensibilités et des tempéraments différents autour d'objectifs et d'idéaux communs, ce qui n'est jamais facile.
Quels sont vos rapports avec les pouvoirs publics?
Nous entretenons des rapports de collaboration avec le Ministère de Tutelle qui, malgré des moyens financiers nettement insuffisants, fait ce qui est en son pouvoir, pour la culture de ce pays.
A travers mon expérience, la femme lit beaucoup. Est-ce votre constat?
Si elle n'a pas le temps libre nécessaire à l'écriture, activité créatrice, la femme lit beaucoup. Est-ce parce qu'elle a pris l'habitude, depuis des millénaires, d'écouter et de ne jamais dire l'essentiel, c'est-à-dire ce qui lui tient vraiment à coeur? C'est la question que je me pose.
Votre dernier livre s'adresse particulièrement à la jeunesse. Pourquoi ce choix d'un lectorat particulier?
Je ne sais pas si on choisit son lectorat. Ce livre s'adresse bien sûr aux jeunes mais il s'adresse aussi aux moins jeunes, aux parents, aux grand-parents. La littérature pour enfants est, d'un autre point de vue, une littérature qui doit s'acquérir dès le plus jeune âge. Les jeunes d'aujourd'hui seront des adultes de demain c'est-à-dire les acteurs d'une Afrique en pleine mutation. Les Ecrivains doivent en tenir compte et ceux qui ont une sensibilité pour cette littérature devront proposer aux tout petits et aux adolescents des livres qui plaisent et instruisent. Des livres qui leur parlent de leur environnement immédiat, des livres d'évasion, de science fiction etc...
Pensez-vous que la poésie ait encore sa place en 1992 pour la femme?
La femme peut-elle vivre sans poésie? De même que l'homme, malgré les apparences, ne le peut pas non plus. Car c'est la vie elle-même, comme le disait un grand écrivain allemand de la fin du 18e siècle, c'est la vie elle-même qu'il faudrait poétiser...
Quels sont les 3 livres que vous emporteriez sur une île?
Il y a des choix franchement impossibles. Comme celui-là surtout lorsqu'on a pris l'habitude de vivre dans une bibliothèque, c'est-à-dire avec plein de livres dans la tête!