Dirigée et créée par une femme, la maison d'édition
EDILIS (10 BP 477 - Abidjan 10), s'est spécialisée dans
l'édition des femmes auteurs. Elle vient de publier Mme Micheline
Coulibaly, Ivoirienne, auteur déjà célèbre.
Vivant désormaise à Dubaï, nous avons profité de la dernière dédicace de Mme Micheline Coulibaly à Abidjan pour discuter avec l'auteur qui a vu une grande première : son livre "Les Larmes de Cristal" baptisé au champagne par la marraine Mme Colette Magne.
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Vous ne vivez plus en Côte-d'Ivoire depuis quelques années. Après le Mexique, c'est maintenant Dubaï, dans les Emirats Arabes. Pourquoi ces déplacements?
Nous vivons depuis sept ans hors de Côte-d'Ivoire, tout simplement parce que mon époux a reçu une proposition de travail intéressante dans une multinationale. Nous avons donc passé six ans au Mexique, et depuis l'été dernier nous résidons à Dubaï, dans les Émirats Arabes.
La femme doit-elle suivre absolument son mari au risque de porter atteinte à sa carrière?
Tout dépend des priorités qu'on se fixe. Dans mon cas, j'ai eu une vie professionnelle très active pendant dix-huit ans. Cette opportunité qui s'offrait à mon mari était la bienvenue pour toute la famille. Je n'ai donc pas hésité un instant à demander mon départ volontaire pour "suivre" mon mari. Pour moi, rien n'est plus important qu'une famille unie. Tout reposait sur ma décision. Si je refusais de partir, notre famille se dispersait pour le malheur de nos enfants. J'ai accepté d'abandonner ma carrière et mon pays pour le bien de notre petite famille. Je ne le regrette pas.
En tant que femme, qu'avez-vous appris de positif sur la femme mexicaine et celle de Dubaï?
Comme je vous l'ai dit plus haut, nous avons passé six années
merveilleuses au Mexique. Les Mexicains sont un peuple ayant le sens le
l'hospitalité et de l'amitié. Les débuts ont
été difficiles pour la femme active que j'étais avant de
quitter mon emploi. Mes problèmes étaient ceux de toutes les
épouses d'expatriés. J'arrivais dans un nouveau pays dont je ne
comprenais pas la langue, où je ne connaissais personne. Mais, je ne
suis pas restée dans mon coin à me morfondre dans ma chambre. Je
suis allée au-devant des gens pour me faire connaître, pour
chercher leur amitié. Quand nous avons quitté le Mexique, nous y
avons laissé des amis inconsolables. Nous avons gardé des
contacts avec tous ceux qui ont fait partie de notre vie durant ces six
années loin de chez nous.
De par leur culture et religion, les Arabes, à mon humble avis, sont un
peuple réservé. Mais une fois que la confiance est
établie, tout se passe très bien. A Dubaï, j'ai
découvert un peuple fier de ses valeurs et de ses traditons.
Contrairement aux clichés, la femme arabe est une femme moderne qui
occupe une place importante dans son contexte social. Mais c'est une femme qui
sait cultiver l'humilité, elle sait inspirer le respect par sa
réserve.
Pour nos fidèles lectrices, faites-nous un bref résumé de votre roman "Les Larmes de Cristal".
"Les Larmes de Cristal," c'est avant tout le cri de révolte d'une femme blessée dans son âme parce qu'on lui a enlevé ce qu'elle avait de plus cher : son enfance. Sa vie a été hypothéquée dès le berceau. On en a fait la concubine d'un homme âgé, le mari de sa tante qui était stérile. Cette gamine n'a même pas eu droit à un mariage. Elle a subi un concubinage forcé pour donner des héritiers à sa tante et son oncle par alliance. On imagine sans peine la vie d'une fillette de douze ans dans un harem de ce genre. Ce concubin mort, elle rencontrera un soldat africain qu'elle épousera et suivra en Afrique. Là, tous ses espoirs et ses rêves se brisent. Son mari prend, selon la coutume locale, d'autres épouses. Mé, mon héroïne est un exemple de courage et de détermination. Malgré toutes les déceptions, tous les malheurs, elle poursuivra dignement sa route.
Qu'est-ce qui vous a poussée à écrire cette histoire?
Comme vous devez le savoir, certaines traditions, certaines coutumes que je trouve rétrogrades existent encore dans nos campagnes et même parfois dans nos villes. Je ne dis pas que toutes le coutumes sont mauvaises. Il y a des traditions qui valorisent l'être humain, comme les rites d'initiation, quand ils ne sont pas trop "barbares", comme les rites célébrant le passage d'une classe d'âge à une autre, les fêtes de générations, etc... Ce que je dénonce, ce sont les pratiques qui humilient, avilissent la femme, des pratiques qui font d'elle un martyr. Je parle du mariage forcé, du concubinage forcé, de l'excision, de l'infibulation, etc... Nous sommes au début au IIIe millénaire, nous allons sur la Lune, les avions volent à la vitesse du son, et nous en sommes encore dans certaines communautés, à obliger une enfant à se marier contre son gré, à la mutiler de façon cruelle. Ce sont toutes ces pratiques que je dénonce.
Pourquoi condamnez-vous le concubinage?
Je ne condamne pas le concubinage s'il est l'émanation de la volonté des deux partenaires qui, pour des raisons qui leurs sont propres, ont décidé de vivre en concubinage. Ce que je dénonce à travers "Les Larmes de Cristal", c'est le concubinage forcé, ce semblant de mariage forcé. Au nom de quel principe a-t-on le droit d'enlever à une enfant son rêve le plus légitime : devenir une femme, et plus tard, une épouse, si elle recontre l'amour?
Comment avez-vous recontré l'héroïne de ce livre? De quelle manière vous a-t-elle raconté son histoire?
L'histoire vécue par Mé, l'héroïne des "Larmes de Cristal", est l'histoire de toutes les femmes bafouées dans leur dignité, leur féminité. J'ai recontré des Mé un peu partout. J'ai écouté leurs pleurs, leurs douleurs. Ce sont leurs vies mises bout à bout qui ont donné "Les Larmes de Cristal".
Trouvez-vous encore des femmes vietnamiennes mariées à des Ivoiriens vivant dans ce pays?
Oui, il y a des Asiatiques mariées à des Africains vivant en Côte-d'Ivoire, au Sénégal et ailleurs. Nombreux sont les enfants issus de ces mariages. J'aime utiliser un terme un peu spécial pour désigner cette descendance dont je fais partie: Afro-Asiens.
Selon vous, quelles sont les raisons fondamentale des échecs de ces mariages mixtes entre femmes asiatiques et hommes africains?
Les raisons de ces échecs sont les mêmes pour tous les mariages mixtes. Que ce soit un couple asiatique et africain ou un couple européen et africain, les raisons sont sensiblement les mêmes. A mon avis, la non-acceptation des différences vient en premier lieu. Puis, vient le manque de conviction. Les partenaires n'ont pas assez de conviction pour faire face aux critiques, à l'adversité. Au lieu de faire front, unis contre tous ceux qui voient en ce mariage un mariage contre nature, ils se rejettent mutuellement la faute de leur échec.
Si des couples ont réussi, comment expliquez-vous leur succès?
Heureusement, il y a des mariages mixtes qui se passent bien, qui résistent aux intempéries. Je crois que cela provient de la volonté ferme des conjoints de réussir leur ménage, malgré les différences, avec les différences. Au lieu du choc de deux cultures, c'est le métissage de deux cultures, leur harmonisation. Quand on va chercher sa femme aux antipodes, ce n'est pas pour qu'elle devienne un second soi-même, c'est parce qu'on veut partager sa différence et faire partager ce qui fait qu'on est différent d'elle.
Quelle est la différence entre la femme asiatique et la femme africaine?
C'est une question qui me fait sourire parce que pour moi, à part la différence physique, une femme est une femme. Qu'elle soit blanche, noire, jaune ou rouge, la femme, c'est cet être sublime qui sait donner sans compter. Pour moi, c'est cela être une femme.
Votre journée-type à Dubaï...
Ma journée à Dubaï est celle de toutes les femmes au foyer. Elle commence tôt le matin avec l'assistance aux membres de la famille en partance pour le travail et l'école. Mes deux grandes filles ne vivent plus avec nous, Mariame fait ses études à Houston et Sandra est à l'Université à Tours. Nous ne sommes que trois à la maison. Je veille à ce que mon époux et ma troisième fille mangent convenablement avant de quitter la maison, qu'ils n'oublient rien. C'est un moment privilégié parce que je ne revois ma fille, Kady, qu'en fin d'après-midi, et mon époux en début de soirée. Tous deux prennent le déjeuner à l'extérieur.
Une fois seule, je consulte mon courrier sur Internet et parcours mes journaux préférés. J'accomplis quelques tâches domestiques, comme la lessive, le ménage, la cuisine. Dieu, merci, il y a beaucoup de progrès dans ce domaine qui facilitent la vie des femmes.
Une fois que tout est propre et rangé, je m'installe devant mon ordinateur pour travailler ou rêver en attendant le retour de ma petite famille. J'ai aussi la lecture, la télévision, la musique. J'aime beaucoup la vie que je vis.
Qu'est-ce que ce pays peut apporter à une Africaine?
Je ne sais pas ce qu'il en est des autres Africaines, moi j'ai décourvert que les vêtements extravagants ne font pas la femme. J'admire ces femmes musulmanes voilées et recouvertes de leur tchador. Je les trouve plus féminines que les femmes qui cherchent à exposer plus qu'il ne le faut leur féminité. J'ai donc appris qu'être femme, c'est plus dans l'allure, le comportement, que dans l'accoutrement.
Quelle est la particularité de mettre votre livre sur Internet?
Il y a un site créé par M. Jean-Marie Volet de l'University of Western Australia qui permet d'en savoir plus sur les auteurs africains: www.arts.uwa.edu.au/AFLIT.IneditCoulibaly.html. Sur ce site, on peut voir tous les ouvrages que j'ai écrits, et les textes inédits que je propose aux lecteurs.
Pour terminer, présentez-nous votre livre "Les Confidences de Médor".
"Les Confidences de Médor", c'est un livre pour les jeunes de plus de dix ans. Il s'agit d'un chien qui raconte sa view de chien et nous fait part, sans complaisance et avec beaucoup d'humour de ce qu'il pense des êtres humains. Médor est le chien des Pokassé. Il suit leur ascension sociale et critique leur désir de changer de vie, d'habitudes, parce qu'ils sont devenus riches.
Contact: PO Box 9231 Dubaï - UAE
E-mail: [email protected].
Propos recueillis
par Isaïe Biton Koulibaly.