Nafissatou Dia Diouf est sénégalaise. Née en 1973, elle
est mariée et mère de 2 enfants. Après son bac
littéraire obtenu à Dakar, Nafissatou continue ses études
à l'Université Michel de Montaigne à Bordeaux où
elle obtient une maîtrise de langues étrangères
appliquées (LEA) et un diplôme de 3ème cycle en logistique
industrielle. Elle est également titulaire d'un master en gestion des
télécoms de l'Ecole Supérieure Multinationale des
Télécommunications de Dakar.
Depuis 2000, elle travaille à la SONATEL Dakar (Groupe France Télécom) où elle assume la fonction de Chef du Service Entreprise à l'Agence des Grands Comptes. Depuis une dizaine d'années, Nafissatou écrit des nouvelles, poèmes, romans et des livres pour enfants. En 2005, elle a été sélectionnée par la revue Notre Librairie, revue des littératures du Sud, comme une des "plumes émergentes" de la littérature africaine. La même année, elle représente le Sénégal aux Ves Jeux de la Francophonie à Niamey où le jury de littérature lui a décerné une "Mention spéciale du jury". Nafissatou Dia Diouf a aussi participé à plusieurs stages de formation et ateliers d'écriture. En dehors de l'écriture, dit-elle, elle se passionne aussi pour la lecture, la peinture, la décoration d'intérieur et les voyages. Elle a voyagé dans une douzaine de pays en Afrique, en Asie, en Europe et aux Etats-Unis. Trilingue, Nafissatou parle le français, l'anglais et l'italien. Interview. |
Nafissatou, pouvez-vous vous présenter à nos lectrices ?
Je suis une écrivaine de 32 ans vivant ma passion depuis la tendre enfance mais je peux dire que je la vis pleinement depuis 5 ou 6 ans, depuis que j'ai commencé à publier. J'ai écrit essentiellement des nouvelles, de la poésie, de la littérature jeunesse mais aussi un roman. Comme vous voyez, mes goûts sont plutôt éclectiques. Du moment où je manie les mots, je suis heureuse (rires).
Vous parlez plusieurs langues; avez vous vécu dans différents pays ?
Je parle en effet le wolof qui est la langue véhiculaire du Sénégal, le français qui est ma langue de travail mais aussi l'anglais, l'italien et l'espagnol. J'aime beaucoup les langues parce que j'aime communiquer. Mon seul regret est de ne pas parler assez de langues africaines, en particulier le pular qui est la langue de mon ethnie et qui est très parlée dans toute l'Afrique. Cette sensibilité vient effectivement du fait que j'ai beaucoup voyagé dans une douzaine de pays à travers le monde pour des raisons familiales (mon père était diplomate), et ensuite par goût de l'aventure et de la découverte de l'autre. J'ai vécu en France pendant 6 ans pour mes études supérieures et j'en ai profité pour visiter l'Europe. J'aime en particulier l'Italie qui est un pays poétique en soi, et en Afrique, j'ai beaucoup aimé le Maroc. Aujourd'hui, l'écriture me fait voyager encore à la rencontre des lecteurs à travers les salons du livre mais je découvre aussi des contrées par le pouvoir de l'imagination à travers les livres que je lis.
Vous avez été lauréate du prix du jeune écrivain francophone en 1999 et du prix international du concours Radio Canada, vous avez écrit des nouvelles pour le magazine AMINA, vous êtes écrivaine ! Que représente pour vous l'acte d'écrire ?
AMINA est ma première expérience de publication et je remercie M. Michel De Breteuil de m'avoir donné cette chance il y a... dix ans ! J'écrivais déjà des nouvelles sur divers sujets qui me touchaient et ce fut pour moi comme un ballon de sonde. Savoir que mes nouvelles pouvaient plaire à un large public a été le premier encouragement de ma carrière. Par la suite, j'ai gagné plusieurs concours au Sénégal et à l'étranger dont le Prix du Jeune Ecrivain Francophone en France, le Prix Francomania au Canada et le Prix de la Fondation Senghor au Sénégal. Dans le même temps, les manuscrits que je proposais aux maisons d'édition étaient acceptés et publiés. C'est ainsi que je suis passée du statut de "jeune fille qui griffonne" au statut d'écrivain que j'ai d'ailleurs toujours un peu de mal à assumer. L'acte d'écrire représente pour moi une façon de vivre, de m'exprimer, de crier ma rage, de confier à ma page mes douleurs et mes bonheurs, le tout en animant une multitude de personnages que je meus selon mon bon vouloir. C'est au début un acte solitaire qui demande du calme et de la concentration, mais quand vient le moment de l'échange avec le public, c'est une autre expérience tout aussi enrichissante !
Certains vous présentent comme étant la relève dans la littérature sénégalaise. Qu'en dites-vous ?
J'en suis flattée. Je souhaite mériter cette attente par une bibliographie fournie et surtout... de qualité. Aujourd'hui, j'en suis à cinq publications (nouvelles, poésie, littérature jeunesse) et j'ai encore de nombreux manuscrits inédits, dont un roman. Je souhaite m'orienter de plus en plus vers le roman, un genre de longue haleine mais tellement exaltant!
Etes-vous soutenue par les écrivaines sénégalaises ?
Oui, énormément, et c'est d'ailleurs ce qui m'a donné confiance en moi. Aussi bien mes aînées comme Aminata Sow Fall, Aminata Maïga Ka (paix à son âme), la doyenne Annette Mbaye D'Erneville que mes contemporaines me soutiennent, m'encouragent, se réjouissent avec moi lorsque je suis honorée. Je ne peux que leur dire encore une fois merci.
Vous vous consacrez désormais à la littérature pour jeunes. Pourquoi ce choix ?
En réalité, ce n'est pas vraiment une option mais un essai que j'ai fait il y a quelques années, partant du constat que peu d'ouvrages étaient adaptés culturellement à l'environnement dans lequel vivent nos enfants. La majeure partie de la production en jeunesse est composée ou de contes - riches culturellement et très utiles pour la construction de l'imaginaire et de l'inconscient collectif des enfants mais pas vraiment contemporains - ou de livres occidentaux aux antipodes de nos réalités et parfois de nos valeurs. Les livres que j'aime écrire sont des livres africains et contemporains à travers lesquels tous les enfants d'Afrique peuvent se retrouver. La meilleure illustration est la collection que j'écris sur l'ordinateur et sur Internet, à la fois didactique et avec de vraies histoires et une vraie morale derrière. Les deux ouvrages qui sont sur le marché: "Je découvre l'ordinateur" et "Cytor & Tic Tic naviguent sur la toile" rencontrent un grand succès auprès des jeunes lecteurs.
Vous pensez que la jeunesse africaine s'intéresse à la lecture ?
Pas assez à mon goût. Parce que les jeunes sont sollicités par des activités comme la télévision, mais aussi parce que le mode de vie communautaire incite peu au repli sur soi et aux activités solitaires comme la lecture. C'est bien dommage parce que la lecture est un instrument d'apprentissage aussi bien que d'évasion et que la lecture aide à la construction de soi.
Regardez l'Afrique d'aujourd'hui : guerres civiles, maladies, famines. Que pourriez-vous dire à un jeune africain pour qu'il garde foi en son continent ?
A côté de ces catastrophes toujours très médiatisées, il existe une Afrique en laquelle je me reconnais davantage : l'Afrique de jeunes qui se battent et qui réussissent, l'Afrique de dirigeants qui disent non au diktat de l'occident et de certains partenaires au développement - et qui assument leurs choix, même si on coupe les robinets financiers -, l'Afrique des magnifiques paysages, des peuples à la culture encore préservée pour lesquels certains n'hésitent pas à faire de milliers de kilomètres afin de découvrir cette face cachée du monde. Je pense qu'il faut rester positifs et nous respecter nous-mêmes pour prétendre à nous faire respecter !
A votre avis, les écrivains peuvent-ils faire naître une autre Afrique ?
Vous savez, la communication est un pouvoir en soi. On le voit avec le choc des images, le plus souvent misérabilistes, malheureusement. Ecrire une Afrique qui gagne, de belles initiatives, peut contribuer à changer l'image de l'Afrique dans le reste du monde. En tout cas, c'est aussi mon combat, sans me voiler la face ou occulter certaines tares qui gangrènent notre société.
Vous êtes nouvelliste et romancière. La nouvelle et le roman proviennent-ils de la même source créatrice ?
La seule différence entre la nouvelle et le roman est à mon sens la taille et la complexité de l'intrigue. La plupart des nouvelles peuvent servir de prétexte pour écrire un roman en rajoutant des personnages, des rebondissements, des histoires périphériques à l'histoire principale. Mais le processus de création est le même, simplifié dans un cas et complexe dans l'autre.
Qu'écrivez-vous en ce moment ?
J'ai entamé mon second roman que je mûris intérieurement depuis environ un an, depuis que l'idée phare m'est venue à l'esprit. Depuis, j'alterne entre recherches et rédaction puisque le thème principal est celui de l'émigration et du retour aux sources. Il est donc très important d'écouter des témoignages pour être au plus près de la réalité.
Que souhaitez-vous pour les lettres sénégalaises pour cette année et les années à venir ?
Je souhaite de tout cœur que les lettres sénégalaises acquièrent leurs lettres de noblesse. Que la littérature ne soit plus réservée à une élite mais qu'elle se démocratise. Cela passe notamment par l'éducation à la base du goût pour la lecture. Je dirais même pour l'effort de lire car une succession de phrases dactylographiées peut ne pas sembler trés attrayante à priori, mais quel bonheur pour celui qui fait l'effort de "rentrer" dans l'histoire et la vivre avec ses propres images !
Propos recueillis
par Nicole Mikolo
BIBLIOGRAPHIE DE NAFISSATOU DIA DIOUF :
* Je découvre... l'ordinateur, Jeunesse, Éditions Tamalys -
2005.
* Cytor & Tic Tic naviguent sur la toile, Jeunesse, Editions Tamalys -
2005.
* Le fabuleux tour du monde de Raby, Jeunesse, NEAS (Nouvelles Editions
Africaines du Sénégal- groupe Nathan), 2004.
* Primeur (Poèmes de jeunesse), Poésie,
Éditions Le Nègre International - 2003.
* Retour d'un si long exil et autres nouvelles, Nouvelles, NEAS, (groupe
Nathan), 2001.
OUVRAGES INEDITS :
* Cytor & Tic Tic, Jeunesse, collection de huit livres de vulgarisation des
TICs (2 volumes déjà édités).
* La maison des épices, Roman.
* Cirque de Missira, Nouvelles.
* Dior, la jolie Sérère Toucouleur, Jeunesse (à
paraître aux NEAS).
* Les sages paroles de mon grand père, Jeunesse (à
paraître aux NEAS).
* Le fabuleux tour du monde de Raby II, III, IV, Jeunesse
(à paraître aux NEAS).
* Les jumelles intrépides, Jeunesse.
* Kdiwi, la gouttelette curieuse, Jeunesse.
* Dans ta lumière et dans ton ombre, Roman (titre provisoire).
BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES COLLECTIFS :
* Anthologie "Paroles partagées", poésie, Éditions Feu
de brousse (MAPI), 2005.
* Hermeneus, Revue universitaire de l'Université de Valladolid
(Espagne), Nouvelle "Cirque de Missira" Traduite en espagnol - 2003.
* Anthologie de la poésie sénégalaise, Poésie,
Editions Maguilen, (PEN International), 2003.
* Envie pressante, Nouvelles, Le
Dilettante, France, 2002.
* La nouvelle sénégalaise, textes et contexte. Nouvelles,
Editions Xamal, 2000 : Anthologie de James Gaasch, Ph. D. Professeur de
littérature comparée Humboldt State University, Californie.
Ouvrage collectif avec Aminata Sow Fall, Boubacar Boris Diop, Myriam Vieyra,
Aminets Maiga Ka, Abdoulaye Elimane Kane etc.
* La descente des oies sauvages
sur le sable et autres nouvelles, Nouvelles, Mercure de France, France, 1999.