D'origine sénégalaise, Nafissatou Dia Diouf fait partie de la nouvelle génération des écrivaines africaines. Elle a été, entre autres, lauréate du prix du jeune écrivain francophone à Muret en France, en 1999. Comme bon nombre d'auteurs, elle a créé un site qui est vite devenu un espace d'échange avec ses lecteurs. Nafissatou Dia Diouf a bien voulu nous parler de cette expérience. |
Tout d'abord, pourriez-vous vous présenter à nos lectrices ?
J'ai 34 ans et je publie, depuis une dizaine d'années, des nouvelles, de la poésie, de la littérature jeunesse plus récemment et des romans. Je suis sénégalaise et je vis aux Sénégal, même si je voyage beaucoup, essentiellement dans le cadre de l'écriture (salons, festivals, etc.).
Que représente pour vous l'écriture ?
Une passion qui s'est peu à peu révélée être une vocation. J'ai toujours aimé les mots, la langue française - mais pas uniquement-, manier les idées, les concepts, donner vie à des personnages, inventer ou dramatiser des situations. Le pouvoir de l'imagination est infini et ces voyages intérieurs me comblent ! Parallèlement à cela, j'adore lire, même si j'ai de moins en moins de temps car je mène une vie professionnelle et m'occupe de ma petite famille. La lecture est une nourriture de choix pour un écrivain, elle enrichit le vocabulaire et les connaissances, mais elle permet aussi de se positionner par rapport aux thèses développées par d'autres auteurs et de développer son propre argumentaire, d'affiner ses propres idées sur des thèmes communs.
Quels sont vos thèmes de prédilection ?
Les problèmes sociaux et socioculturels que m'inspire mon environnement immédiat, mais tournés vers la modernité. Nous avons tous été inspirés par les classiques qui garderont une place de choix dans nos bibliothèques et serviront de "mémoire collective" pour la descendance, mais je pense qu'il faut parler à nos contemporains et aux futures générations des maux qui les préoccupent, des situations qui les touchent ou qui les font rire ; bref évoluer dans son temps, et de manière positive. Il faut montrer une Afrique qui bouge, qui a foi en l'avenir, qui mise sur ses enfants en voulant leur donner les atouts pour vivre et s'insérer dans un monde globalisé et ce, sans complexe aucun.
Vous avez créé un site, pourquoi ?
L'idée vient d'un lecteur anonyme, un Sénégalais de la diaspora informaticien de métier et qui s'étonnait dans ses recherches sur internet de ne pas avoir assez de présence et de contenu sur les auteurs africains. Il m'a proposé de créer un site pour une meilleure visibilité. J'étais au départ un peu sceptique mais après de longs mois de travail, le résultat a été probant. Non seulement le site est visité par des amateurs de littérature de tous les pays, mais j'ai beaucoup gagné en notoriété, hors des frontières du Sénégal. Mon site n'est pas un blog mais plutôt une vitrine et un lieu d'échange, notamment par le biais du livre d'or. Il obéit aux règles d'un site classique, non commercial, notamment avec des rubriques d'accueil, de présentation, de biographie, de bibliographie, de galerie de photos, etc. mais aussi quelques textes et poèmes, quelques articles de presse que je partage avec les visiteurs du site. Je donne des conseils à ceux qui sont tentés par l'écriture ainsi que des fiches de lecture de livres que je lis.
Avez-vous le sentiment de vivre un autre type de rapports avec les lecteurs de votre site ?
Complètement! L'écriture est un acte éminemment solitaire et, une fois passé le cap de l'édition, les livres ont une vie et une réception que nous ne maîtrisons pas et dont nous n'avons que rarement le feedback, à part dans les salons ou autres foires où nous rencontrons souvent des personnes certes curieuses, mais qui n'ont pas lu nos livres. Avec ce site les lecteurs qui connaissent mes livres se connectent pour en avoir plus ou pour découvrir les nouveautés, d'autres y arrivent par hasard. La seule contrainte est que nous, auteurs africains, qui avons choisi de faire carrière en Afrique, sommes mal diffusés sur l'international. Internet étant par essence mondial, si la diffusion des livres reste locale, c'est très frustrant aussi bien pour l'auteur que pour le lecteur...
Un site peut-il aider un écrivain à mieux connaître ses lecteurs et vice versa ?
Pour le lecteur, c'est un moyen d'information très accessible. Je peux bénéficier d'une multitude de contacts. Quant à moi, je peux bénéficier d'une multitude de contacts : étudiants, femmes au foyer, écrivains en herbe, professeurs, anonymes... J'ai récemment été contactée par une classe de littérature francophone d'une université américaine, qui avait pris comme sujet d'étude une de mes poésies sur Senghor pour la traduire. J'ai été impressionnée par le formidable travail qu'elle a fait !
En quoi un site peut-il aider le travail d'un écrivain ?
Dans la mesure où j'ai une réception en « live » de mes textes, mes thématiques sondent le public. Je mets parfois sur le site des textes inédits : les réactions ainsi que les suggestions m'éclairent sur les intérêts des lecteurs et, sans changer fondamentalement mon style, je peux m'adapter aux désirs de mon lectorat.
Contact: www.nafidiadiouf.net
Propos recueillis
par François Bikindou