Mme la ministre, voici bientôt quatre ans que vous êtes à la tête du département de la Culture. Les Congolais attachent du prix à la question FESPAM. Pensez vous que leur souci soit fondé ?
Certainement. Le FESPAM comme le FESPACO ou le MASA, pour ne citer que cas deux-là, est un événement culturel majeur sur le continent, a fortiori pour le Congo où de telles manifestations ne sont pas légion. Les Congolais ont raison de s'y intéresser et d'en faire une de leur préoccupation.
Qu'en est-il aujourd'hui des effets de la difficile conjoncture africaine sur les finances du FESPAM ? Quels en ont été les avantages et les inconvénients de cette troisième édition ?
La difficile conjoncture financière de l'Afrique se répercute évidemment sur le FESPAM. Cette fois encore, nous avons rencontré quelques difficultés dans le déblocage des fonds nécessaires à l'organisation matérielle et comme pour la deuxième édition, nous avons enregistré des retards dans l'acheminement des artistes. Certains même n'ont pas pu arriver à temps à Brazzaville, tels Salif Keïta, les Tambours de Nubie... C'est dire que les faiblesses du FESPAM sont toujours et essentiellement d'ordre matériel : retards dans l'attribution des logements, hébergement parfois inconfortable, ratés dans les transports, programmation incertaine des spectacles... Parmi les avantages, l'engouement du public, la sympathie et la solidarité des artistes - que nous ne pouvons pas toujours satisfaire - à notre grand regret. Par exemple, la plupart des artistes invités à la deuxième édition que nous aurions souhaité revoir - ne serait-ce que pour leur témoigner notre reconnaissance pour avoir été à nos côtés dans des moments particulièrement pénibles pour nous - n'ont pas été invités cette fois, parce qu'il faut changer. Nous avons donc opté pour le changement et d'une certaine manière, c'est un gros avantage. Il faut que d'une édition à l'autre, le FESPAM se renouvelle et je crois que nous sommes dans la bonne voie.
La République démocratique du Congo a été coorganisatrice de cette édition du FESPAM. Quel sens donnez-vous à cette double organisation ?
Le partenariat avec la RDC pour l'organisation du FESPAM était, dès sa création, recommandé par l'OUA et accepté par les deux pays. Mais la situation dans nos deux pays ne l'avait pas permis jusqu'ici. Cette collaboration va évidemment dans le sens du renforcement de l'Unité Africaine. Et pour nous, Congolais des deux rives, c'est la concrétisation des sentiments de fraternité qui nous lient.
Réconciliation, reconstruction, unité nationale... Comment Le FESPAM s'insère- t-il dans la vie congolaise ?
Le FESPAM - tout le monde vous le dira - a été le déclic du sursaut national qui a ouvert la voie à la négociation des accords de paix et permis les démarches pour la réconciliation nationale et le dialogue. Il a donc joué un rôle capital dans la normalisation de la vie congolaise. Mais le FESPAM, à mon avis, ne s'est pas encore inséré dans la vie congolaise. Il demeure encore, malheureusement, un événement ponctuel, attendu certes, mais qui n'a aucun impact en dehors du moment précis ou il se tient, parce qu'il ne se passe rien entre deux éditions.
La musique traditionnelle a occupé une place de choix au cours de cette troisième édition. Est-ce une façon pour vous de revaloriser la musique traditionnelle et ses instruments
La priorité à la musique traditionnelle figurait égaiement parmi les recommandations de l'OUA. Non sans raison, car c'est la musique traditionnelle qui fait la spécificité musicale de chaque aire culturelle africaine et concourt à la diversité culturelle de l'Afrique et même de chacune de nos différentes régions, que ce soit au plan continental ou au plan national. C'est effectivement aussi une façon de revaloriser cette musique et ses instruments, surtout ici au Congo où tout ce qui est traditionnel a tendance à se "folkloriser". La musique traditionnelle, de même que les danses traditionnelles sont des créations figées, qui ne se renouvellent plus, qui ne vivent plus. Alors que dans d'autres aires culturelles du continent, on crée encore des musiques, des danses traditionnelles à partir d'instruments "traditionnels" : la cora, par exemple est toujours vivante et dans certaines régions, le xylophone aussi. Nous possédons aussi le xylophone. Mais qui en joue encore ? Quelle musique produit-il ? C'est un problème. Au point que nos jeunes ne supportent même pas d'avoir à l'écouter. Vous avez vu leurs réactions ! C'est triste.
Pourquoi le tam-tam a-t-il fait l'objet d'un séminaire particulier
Parce que le tam-tam se retrouve dans tous les pays africains et de la diaspora. C'est l'instrument par excellence de la musique panafricaine et le symbole de sa dignité. Car tout en étant partout, il est partout différent et produit partout des rythmes et des sons différents. On ne pouvait pas ne pas lui faire un sort...
Pensez-vous que la culture soit une priorité pour le gouvernement ? Quelle place occupe-t-elle dans la vie nationale
Je n'ai pas à penser ou ne pas penser. Il ressort clairement du PIPC (Programme Intérimaire Post-Conflit) que la culture n'est pas une priorité pour le gouvernement. Et pourtant, le FESPAM est le seul événement majeur de ce pays. Il y a la une contradiction qui me dépasse...
Propos recueillis
par Nicole Sarr