Auteur de quatre romans, dont le dernier, "Le collier de paille" traite de la destinée et de l'adultère en milieu musulman africain Khadi Hane est cadre commercial dans une entreprise française. Après un bac scientifique et un Deug de physique-chimie à Dakar, un fonctionnaire étourdi inscrit par erreur l'étudiante sénégalaise en Langues Etrangères Appliquées. Pour obtenir la prolongation de sa carte de séjour, cette scientifique se résout à suivre des études commerciales. Aujourd'hui, ce coup du destin la fait plutôt sourire. Et l'auteur s'inspire d'expériences vécues pour exprimer ses colères et ses espoirs, aussi. A l'en croire, toute vérité est bonne à écrire. Rencontre avec un cadre commercial multi-cartes. |
Existe-t-il un lien entre votre travail de cadre commercial et les différents romans que vous avez écrits ?
Non, il n'existe aucun lien, mais l'un n'empêche pas l'autre. Je crois que nous avons une certaine idée des personnes qui écrivent : un monsieur rondouillet, fumant la pipe et retiré à la campagne. Aujourd'hui, écrit qui veut et quel que soit le domaine d'activité de l'auteur. L'écrivain étant, selon ma définition, celui dont le métier principal est d'écrire. Je me considère comme une auteure, car j'ai des choses à dire. J'ai commencé à écrire suite à un coup de gueule : juste après mes études, j'étais en recherche d'emploi et à chaque fois que je me présentais pour un rendez-vous, j'expérimentais le délit de faciès. Au départ je n'écrivais qu'un journal personnel. Et puis le l'ai fait lire à un ami qui a pensé qu'il était important de le partager avec d'autres qui vivaient la même expérience. C'est ainsi qu'est né mon premier roman, "Sous le regard des étoiles" (1998). J'y ai pris goût et j'ai fini par en écrire trois autres.
Comment se fait-il que vous en soyez à votre quatrième roman, ce qui n'est pas rien, et que le public ne vous connaisse pas?
C'est parce que ce n'est pas mon métier. J'ai d'autres occupations et je n'ai pas le temps de faire la promotion nécessaire, ni les salons. Je ne l'explique pas autrement.
Qu'en est-il du roman "Ma sale peau noire" (2001), est-il la suite de votre "coup de gueule" de 1998?
(Rires) Oui, de 1998 et aussi des années précédentes alors que je vivais au Sénégal. Mais ce n'est qu'une fois arrivée en France que j'ai pris conscience que dans mon pays, les Blancs ont des avantages que moi-même je n'avais pas dans mon propre pays. Lorsque je suis retournée au Sénégal, j'y ai rencontré une fille de huit ans qui vivait dans un foyer polygame et qui m'a raconté ses problèmes liés à la structure de sa famille. Elle avait eu le malheur d'être née en même temps que le premier enfant de la deuxième épouse de son père. Et sa mère déversait sur elle toutes ses rancoeurs et ses souffrances. Je suis partie des mésaventures de cette petite fille, qui était donc un bouc-émissaire, pour tracer une sorte d'itinéraire de l'Africain, de son pays jusqu'en France ou dans n'importe quel autre pays européen.
La titre de ce roman est plutôt provocateur. Avez-vous quand même trouvé des avantages à porter cette "peau noire"?
Oui, parce que c'est aussi cette peau qui me permet de m'exprimer. Si je ne la portais pas, je serais peut-être fataliste et je me conforterais dans ce qui ne va pas. Je crois aussi que c'est cette peau noire qui me permet de garder des valeurs humaines. Nous les Noirs, nous en voyons vraiment de toutes les couleurs et pourtant nous sommes psychologiquement solides. Je crois que c'est grâce à cette peau noire que j'ai autant de force.
Dans votre dernier roman, "Le collier de paille", vous aborder la thème de l'adultère en milieu africain musulman. Est-ce un roman autobiographique?
Non, pas du tout, c'est une sorte de retour aux sources. Le paysan Diogoye symbolise l'Africain type alors que l'héroïne est une citadine. Je me suis demandée lequel des deux avait une vie saine? J'ai voulu les confronter, en créant une histoire d'amour, pour voir lequel des deux l'emporterait. Avec "Le Collier de paille" j'ai aussi voulu dénoncer tout ce que la femme vit, en tant que musulmane, dans un pays comme le Sénégal où tout est tabou. Aussi bien l'adultère que le simple fait de vouloir s'affirmer en tant que femme.
Ou même le simple, fait de vivre sa sexualité, comme la rappellent les passages sensuels dont votre livre regorge. Il est rare, à part des écrivaines comme Ken Bugul, qu'une femme africaine décrive de cette façon la sexualité.
C'est vrai, mais en même temps cela correspond à du vécu, au Sénégal. On n'en parle pas parce que c'est tabou. Il n'en reste pas moins que la majorité des femmes ont une vie sexuelle: avec leur mari ou leur petit ami, mais personne n'en parle. Pourtant, c'est tout à fait humain et c'est important d'en parler parce que cela existe. Mon héroïne est traitée comme une personne humaine, avec ses qualités et ses défauts. Toutes les Sénégalaises peuvent se voir en elle.
Seulement son adultère, cinq ans après son mariage, ternit dans le même temps les liens sacrés du mariage
Peut-être, mais ce qui est aussi formidable, c'est que c'est la femme qui prend l'initiative d'arrêter son mariage. En général, dans nos pays, c'est plutôt l'homme qui répudie sa femme. Et c'est toujours à l'homme de décider si le foyer va mal ou bien. L'héroïne avait un destin tout tracé, il a fallu qu'elle pose les yeux sur un paysan africain brutal et polygame, pour que toute sa vie soit bouleversée.
Croyez-vous au destin?
Oui, aux grandes lignes du destin, mais je crois que c'est nous qui en écrivons les sous paragraphes.
Vous êtes également Présidente d'une association, Black Art et Culture, créée à fin 2001. De quoi s'agit-il exactement?
Le concept est parti de mon expérience et de celles de mes proches eu égard à nos difficultés à trouver des pros pour nous aider à diffuser la culture africaine. Avec quelques amis (deux cadres et un musicien) nous avons décidé de créer une entité qui nous permette de parler de nous et d'aider des débutants: des chanteurs, des auteurs, des peintres etc. qui ont en commun d'être noirs. Ils peuvent vivre en Europe ou ailleurs. L'association les aide à se faire connaître en les éditant, en mettant en vente leurs oeuvres, en organisant des manifestations culturelles afin qu'ils puissent rencontrer des artistes d'horizons différents, comparer leurs expériences etc.
Propos recueillis
par Renée Mendy-Ongoundou