Mariama N'Doye est née à Rufisque, au Sénégal,
où elle fait ses études primaires et secondaires. Docteur
ès-Lettres de l'Université de Dakar, elle a étudié
à La Sorbonne et à l'École de l'Ifan, à Dakar... Elle a publié de nombreux ouvrages dont De vous à moi (Présence Africaine, 1990), Parfums d'enfance (NEI, 1993), Sur les chemins pavoisés (CEDA, 1993), Soukey (NEI, 1999), Prix Nyonda des Lycées du Gabon en 2000. Mariama N'Doye vient de publier un roman: Comme le bon pain, publié aux Nouvelles Éditions Ivoiriennes. Un livre d'une très grande importance pour toutes les femmes africaines. Comme le dit si bien Mariama N'Doye: 'Toute femme, à la lecture de ce livre, se retrouvera à l'une ou l'autre page, ce n'est pas un hasard.. J'ai donc peint un panneau de l'immense que constitue l'éternel féminin ... |
Le lancement de ce livre s'est déroulé à Dakar, en présence du Président Abdoulaye Wade. Je vous regardais parler avec le Chef de l'État. Quelle a été la teneur de vos entretiens ?
Le Président m'a dit qu'il avait lu et apprécié "Soukey". Il m'a demandé de lui en dédicacer deux exemplaires, un pour lui, un pour le personnel de la présidence. Même chose pour "Comme le bon pain". Il m'a encouragée à continuer.
Pourquoi dédiez-vous ce livre à toutes les femmes de bien, à "mon homme" ?
Je pense que toute femme et tout homme doit aspirer au "souverain bien". A mon homme, puisqu'il est à moi plus qu'à toute autre femme, excepté sa mère.
Toute la critique et le grand public ont salué et apprécié ce livre. On le compare même à "Une si longue lettre" de Madame Bâ. Qu'en pensez-vous ?
J'ai mon propre style. Je ne cherche à imiter personne. Mais je suis flattée d'être comparée à la grande dame de la littérature qu'est Mariama Bâ.
Pour nos lectrices qui ne l'ont pas encore lu, voulez-vous nous donner une présentation de ce livre ?
"Comme le bon pain" pourrait s'intituler "Vies de femmes". Je n'aime pas résumer les livres, car c'est les minimiser. Que chacun le lise et s'en fasse sa propre idée.
Un magazine français a écrit récemment qu'au Sénégal toutes les femmes sont belles et charmantes. Comment se caractérise la sensualité de la femme sénégalaise qui la différencie des autres femmes ?
Chaque femme dans le monde a son charme. La Sénégalaise détermine très tôt où se situe le sien et l'exploite. De plus, depuis l'enfance, on lui apprend à prendre soin d'elle-même, à s'asseoir, à s'exprimer, à marcher avec décence et séduction.
La polygamie est-elle recommandée dans l'Islam ou est-ce le contraire ?
La polygamie est tolérée et codifiée dans l'Islam.
Quels sont les avantages et les inconvénients de la polygamie ?
Je n'ai pas vécu la polygamie, ma mère non plus, mes grands- mères en ont triomphé. Je ne peux donc dire, sans risque de me tromper, ses avantages et ses inconvénients. Je ne fais que décrire ce que je observe autour de moi en essayant de me mettre dans la peau de mes personnages. C'est l'art d'être écrivain.
Dans ce roman, vous vous mettez à la place de Bigué. Vous connaissant, Bigué a des actions qui se rapportent à vous, notamment le voyage à Bombay. En quoi Mariama N'Doye est-elle Bigué ?
Je ne peux décrire un endroit sans y aller. Dans tout livre, il y a des actes vécus réellement par l'écrivain. Lesquels ? Cela ne regarde que lui. En tout cas, rassurez-vous, je suis grâce à Dieu une femme comblée sur le plan conjugal.
Vous continuez de parler de virginité avant le mariage. Que conseillez-vous aux jeunes filles ?
Je persiste à croire que la virginité jusqu'au mariage est une bénédiction. Mais la chasteté et la pudeur n'ont pas d'âge. On peut, à 80 ans, être chaste et pudique.
Comment épouser une femme wolof (dot ... ) ?
A Yoffi Diamalaye - fief des Layènes - on peut épouser une prototype de Miss Sénégal en se présentant - après en avoir exprimé la demande, avec un témoin et en récitant la chahada, profession de foi musulmane - armé de la somme modique de 3.000 Fcfa. Il en est de même auprès de nombreux chefs religieux du Sénégal.
Comment traiter "ces voleuses de mari pour qu'elles collent la paix" aux légitimes ?
En les combattant avec leurs propres armes : l'assurance, l'audace, la coquetterie, la sensualité, au besoin les gifles et les prières aussi...
Moi, j'ai dit au mien que "chaque fois qu'il est au-dessus d'une gamine, qu'il se dise qu'il est au-dessus de sa propre enfant... " Commentaire ?
C'est un commentaire dissuasif. Je pense à ceux qui s'accouplent avec des filles mineures de corps et d'esprit et qui pourraient être leurs enfants. Pour contenter ou combler une femme, faudrait-il lui donner un cadeau comme une Mercedes flambant neuve et un chèque de 4 millions ? Prends des cadeaux et accepte tout ! N'est-ce pas la signification de ce geste ? Avec ou sans cadeau, la femme accepte tout lorsqu'elle est amoureuse. Il y a des hommes qui trompent leur femme sur le lit conjugal et lui disent: tu n'y peux rien changer. Il y a en d'autres qui se cachent pour tromper leur femme, et qui lorsqu'ils sont découverts, veulent se faire pardonner en lui offrant un cadeau qui peut aller de la bague en cuivre à la Mercedes 230, selon le budget dont ils disposent. C'est aussi simple que cela.
Pourquoi ce titre "Comme le bon pain" ?
Parce que depuis mon enfance, j'adore le pain. Je préfère une bonne tartine beurrée à une cuisse de poulet rôti.
Comment expliquez-vous qu'une femme aimée avant et dans les premières années du mariage se retrouve délaissée plus tard par son mari ?
L'habitude, dit-on, tue l'amour. Mais l'amour lui même change de visage. Un couple ne s'aime pas de la même manière après deux ans et après vingt ans de mariage ! Plus il résiste au temps, plus la capacité d'écoute grandit, plus la tendresse s'installe, plus les corps et les coeurs s'harmonisent. L'amour se bonifie avec le temps. On sait se renouveler quand on aime.
Lorsque Binta dit: "Elle apprendra à ses dépens que l'oeuf n'affronte pas la pierre et que la co-épouse meurt en couches", ne pensez-vous pas que N'Doumbé a été tuée par sorcellerie ?
Personne ne prend la place de personne au cimetière et ne vous arrive que ce que vous souhaitez aux autres. Dieu est seul maître de la vie et de la mort. Les hommes se trompent quand ils pensent qu'ils peuvent donner l'une ou l'autre.
Le montant de ce que Dieu octroie, nul ne peut l'économiser.
Dieu est le grand pourvoyeur. Nul ne possède ce qu'il a. Nul n'a sa générosité. Ce sont là trois de ses quatre-vingt-dix-neuf noms les plus exaltés.
Comment une femme, devant toutes les difficultés, a la force de subir sans broncher, sans insulter qui que ce soit, sans se laisser mourir d'inanition, sans se confier au premier intrigant venu et surtout sans se jeter dans les bras d'un profiteur...
Une femme de bien cherche à être fidèle aux valeurs de sa société, l'endurance à toute épreuve, le courage, la noblesse de sentiments et le respect de soi-même. Il ne faut jamais perdre sa propre estime. Il faut toujours tenir compte du regard des autres.
Pour terminer, que voulez-vous que la lectrice retienne de votre roman ?
L'optimisme envers et contre tout. Tout finit par s'arranger lorsqu'on est courageux et qu'on croit en sa bonne étoile.
Propos recueillis
parIsaïe Biton Koulibaly