"De Vous à Moi"
Tel est le titredu recueil de nouvelles de Mariama N'Doye, épouse Mbengue. Sénégalaise, elle est née le 28 juin 1953 à Rufisque. |
De formation littéraire classique, elle est titulaire d'un Doctorat de 3e cycle (Université de Dakar) et Conservateur-Chercheur au musée de l'IFAN depuis 1978. Une de ses nouvelles "Soeurs dans le souvenir", a été primée au concours Sénégal Culture 1982 (NEA). Mère de trois enfants, elle réside actuellement en Côte-d'Ivoire où elle enseigne la littérature au Lycée Ste Marie de Cocody. "De vous à moi" est publié par "Présence Africaine". Nous avons recontré l'auteur à son domicile.
Mme Mbengue, comment êtes-vous arrivée à la littérature?
Avant d'écrire, j'ai d'abord aimé lire. Je ramassais à 6, 7 ans déjà des coupures de journaux sur le chemin de l'école par cusiosité. Les bribes de titres m'attiraient. Une fois à la maison, je les lisais et ma maman déplorait ma manie car parfois ces bouts de papiers qui remplissaient mes poches étaient sales puisque je les ramassais par terre souvent au bord des rigoles. Plus tard, à l'adolescence sous l'emprise de quelques émotions, j'ai, comme beaucoup de jeunes filles, écrit des poèmes, tenu un carnet plus ou moins quotidien, puis j'ai écrit véritablement.
Comment justifiez-vous les dédicaces de votre livre?
On dédie généralement ses travaux aux êtres chers. J'ai dédié ma thèse à mes grands parents, mon premier recueil au compagnon de mes jours et à la nouvelle génération pour leur prouver mon affection. Dans le fond de mon coeur, je dédie toujours à mon père et à ma mère aussi. Je n'ai pas besoin de les citer nommément. Ma famille entière m'est très chère. Elle est large grâce à Dieu.
Le choix de la nouvelle obéit chez vous à quel impératif?
J'ai écrit spontanément des nouvelles après mes premiers poèmes. Le roman et le théâtre viendront peut-être à leur heure, avec un souffle plus ample. En tout cas, je me sens à l'aise dans la nouvelle qui à mon avis, n'est pas un genre mineur. Si elle est bien écrite, elle captive mieux le lecteur, plus qu' un roman. On la lit d'une traite, ce qui est impossible ou rare pour un roman ou toute autre oeuvre similaire. J'épouse la thèse de Pierre Lepape qui veut que la nouvelle exige les meilleurs auteurs.
Présentez-nous votre recueil
"De vous à moi" me relie à mes ancêtres. C'est la continuité. Une partie de mes nouvelles est un héritage. Le titre est aussi à caractère confidentiel. Cela ne me déplaît pas de me confier au lecteur. Il y a complicité.
Quelle est la nouvelle que vous aimez le plus?
J'aime également toutes mes nouvelles. "Février" m'émeut cependant tout particulièrement parce que tout y est vrai. Du reste, le Président Senghor dit avoir apprécié mes nouvelles parce qu'elles sont vraies, cela doit être, dans certains passages évident. Même si vrai ne veut pas toujours dire vécu, mais exprimé avec vérité. Je disais donc qu'à travers "Février", je fais revivre mes grands parents et alors je regrette comme un tout-petit que l'homme ne soit pas éternel.
Croyez-vous qu'il existe une écriture féminine? Comment expliquez-vous le manque d'abondance des femmes dans la littérature qui exige, imagination et sensibilité, deux qualités propres à la femme?
Dans la vie d'aujourd'hui, les femmes font tout ce que les hommes peuvent faire, farfois même elles sont plus performantes. N'est-ce pas?
Pourquoi n'écriraient-elles pas? Si l'écriture féminine apporte un plus, l'imagination, la sensibilité, tant mieux, même si je ne pense pas que toutes les femmes jouissent de ces qualités ni que tous les hommes en manquent. Les femmes sont rares dans la littérature pour une simple raison de pourcentage peut-être. Il y a moins de femmes lettrées que d'hommes, en tout cas en Afrique.
Avez-vous recontré des difficultés pour écrire ce livre?
Pas de difficultés majeures pour écrire ce livre. J'ai été encouragée par tous, amis, proches, anciens professeurs. Mon statut de mère, d'épouse, de professeur de lettres a été un apport positif et pas du tout un handicap.
Vivre a Abidjan pour une Sénégalaise ne coupe-t-il pas votre source d'inspiration?
La Côte-d'Ivoire m'inspire autant que le Sénégal. Seules les nouvelles ayant trait à la tradition pourraient manquer, or je les ai en tête. Je ne connais cependant pas assez le passé ivoirien pour m'en inspirer. Sinon les problèmes des Sociétés modernes sont les mêmes. Certaines de mes nouvelles ont pour cadre, dans ce recueil même, le Cameroun, la Suisse, la Côte-d'Ivoire, etc.
Votre nouvelle "Connais-toi toi-même" se déroulant aujourd'hui, le Docteur Guirane N'Dir aurait-il le même succès? A cause du dépistage du SIDA, les jeunes du quartier accepteraient-ils qu'on prélève leur sang?
Les habitants du village dont il est question dans ma nouvelle "Connais-toi toi-même" donneraient aujourd'hui leur sang pour les mêmes raisons que leurs ascendants il y a cinquante ans. C'est-à-dire par reconnaissance, pour respecter un pacte, par loyauté, etc. Heureusement pour l'homme lébou, l'homme africain tout court, pour la Culture. Les Grecs aussi préconisaient "Gnoti se au tôn" la connaissance de soi-même, préalable à toute ligne de conduite. D'un autre côté, le dépistage du SIDA est une bonne chose, les jeunes sénégalais en sont conscients. Les deux attitudes ne sont pas contradictoires. En donnant leur sang, ils serviraient et leur prochain et la science. Le pourcentage de malades ne serait du reste pas très grand dans ces villages à caractère traditionnel, du moins, je le souhaite.
Quelles leçons les adultes doivent-ils tirer de la nouvelle "Enfants au jeu"?
Je refuse de m'ériger en Maître à penser et en donneur de leçons. D'abord, cela me vieillirait, ensuite ce n'est pas dans ma nature. Je conclus seulement la nouvelle "Enfants au jeu" par un souhait spontané. Du fond du coeur, je me suis dit, en observant ces enfants que le monde serait si agréable si les adultes étaient à l'image des enfants, c'est-à-dire plus simples, plus liants, moins sujets aux préjugés de toutes sortes! J'ai fait un rêve d'un monde idéal mais hélas les adultes aiment avoir les pieds bien sur terre!
Comment M. Mbengue voit-il son épouse Mariama N'Doye écrivain?
Mon mari est fier de me voir écrire. Il brandit mon livre partout au point que j'en suis parfois confuse. Si un jour mon talent est reconnu, il sera moins actif sur le plan de la promotion, je suppose! En tout cas, je me réjouis de sa confiance dans mon avenir littéraire.
Et pour terminer, qu'avez-vous à ajouter?
Je terminerai par un mot pour les lecteurs et l'équipe d'Amina. Je leur dis que chacun peut réussir dans son domaine de prédilection, petit à petit, il suffit dy croire. J'ai participé à Amina en tant que mannequin dans les années 77, 78, parfois en tant qu'apprentie journaliste, je suis lectrice fidèle et je souhaite qu'Amina grandisse en beauté, en densité et connaisse une longue vie.