Née dans une famille de réfugiés somaliens à Djibouti, Safia Otokoré, devenue championne d'athlétisme, échappe à la misère et découvre la liberté en partant étudier grâce à une bourse dans les universités d'Afrique de l'Ouest. Elle y rencontrera celui qui deviendra son mari : Didier Otokoré, footballeur vedette de l'AJ Auxerre. Safia refuse très vite la vie oisive que lui offre son état. Elle prend parti, milite au PS et commence une fulgurante carrière politique. Elue d'abord adjointe au maire d'Auxerre, Safia Otokoré siège à présent au Conseil régional de Bourgogne. Responsable nationale du secteur sport du parti socialiste, elle parle avec conviction de cette traversée des difficultés et des faiblesses dans un pays où il faut prouver sa valeur à chaque instant. AMINA a rencontré une femme étonnante avec un parcours exceptionnel. |
Des bidonvilles de Djibouti à la rue Solférino, c'est votre combat et vos épreuves de femme noire musulmane que vous racontez dans votre livre ?
"Je suis née pauvre, je suis née femme, je suis née noire et je suis née musulmane". Moi, je n'ai pas voulu, j'ai refusé ce principe fataliste de l'avenir des femmes de Djibouti vivant et nourrissant en retour la misère de leur quartier. J'ai mené un combat pour m'en sortir, pour être enfin libre et pour avoir accès à autre chose que cette misère. Pour cela, j'ai eu des armes : l'éducation et le sport... A 7 ans, j'ai refusé toutes les contraintes liées à mon statut de femme : être mutilée, excisée, soumise et prête à me marier. C'est un livre romancé, rempli d'espoir et un exemple qui n'engage que moi. Il retrace différentes étapes : le sport, ma mère adoptive, les associations humanitaires... qui m'ont permis d'accéder à la rue Solférino.
Vous avez intitulé votre livre "Safia, un conte de fées républicain" il y a là une complicité des mots "féérique" et "politique" ?
C'est fait exprès. J'adore la notion de république car
elle sous-entend l'égalité, la fraternité, la
solidarité et la liberté. Mon combat est de faire que chacun
s'épanouisse, quels que soient son niveau social, son état
physique et sa couleur en rendant accessible à tous ces valeurs qui ont
fait ma réussite : l'éducation, le sport, la recherche de la
liberté...
Ma rencontre avec Pauline Guéna, qui a collaboré à ce livre, m'a
permis de toujours avoir cette joie de vivre et cette force d'écrire.
Vos débuts dans la politique ont eu plusieurs étapes. Comment avez-vous commencé ?
J'ai toujours fait de la politique. Le fait d'aider mes amis, de pouvoir faire passer des valeurs, de se battre, d'avancer pour l'intérêt général, c'est déjà de la politique. Pour moi, c'est ça l'acte politique: se soucier des autres et s'intéresser à eux. A Djibouti, j'étais considérée comme une élue locale, puisque j'étais une des rares à savoir écrire. Mon enfance fut très engagée suite à un voyage en Côte-d'Ivoire à l'âge de 15 ans où j'ai découvert l'Apartheid. Je me suis alors documentée sur le racisme, l'esclavage, tous ces thèmes qui font notre identité. En 1999, je suis allée à Auxerre et je suis devenue maire-adjointe.
Une partition manichéenne et une nécessité impérieuse de choisir son camp : est ce un rapport d'identité sociale ?
Non, ce n'est pas un rapport social. C'est le regard que vous renvoie l'extérieur depuis le 11 septembre. Vous êtes un peu étiquetée d'intégriste et non pas de laïque si vous êtes musulmane. Moi je suis musulmane laïque, ma religion ne regarde que moi.
Ancienne championne d'athlétisme, femme de footballeur et actuellement chargée des sports au sein du secrétariat national du PS, quelle stratégie de collaboration mettez-vous en place ?
J'ai en charge un secteur des sports pour le Parti Socialiste qui a un rôle important dans la société; nous voulons défendre des sports qui portent des valeurs éducatives, sociales, qui défendent un idéal de gauche. En France, le sport est délégué aux mouvements associatifs. Je rencontre les bénévoles de ces associations et leur propose un sport fédérateur qui permet un rapprochement entre le peuple, qui a un rôle social. Le sport ne ressort pas de la politique suivant l'angle dans lequel vous vous placez ... le sport reste un facteur de promotion de la personne humaine.
Pour conclure, l'immigration est un champ politique primordial pour vous ?
L'analyse que je fais de l'immigration, c'est que l'intégration dans un pays européen est facilitée pour les personnes ayant des moyens suffisants. C'est plus difficile si vous êtes noire et pauvre que si vous êtes noire et riche car vous avez plus d'outils en main pour vous intégrer. Or, le pays accueillant doit faciliter l'intégration pour tous.
Propos recueillis
par Wanda Nicot