Ministre de l'Intégration Régionale
Mme Bernadette Sanou
"La vie quotidienne, un tableau complexe en perpétuelle mutation..."
Titulaire d'une Maîtrise de Lettres modernes et d'un DEA de linguistique, professeur de français, Bernadette Sanou entre à la Fonction publique voltaïque en 1977. De 1986 à 1987, elle est ministre de la Culture. Pendant vingt ans, Bernadette Sanou prêtera ses services au département de l'Éducation. Du ministère de l'Éducation nationale, en passant par le ministère de l'Enseignement de base et de l'Alphabétisation de masse, où elle se consacrera, au sein de l'Institut Pédagogique du Burkina (IPB), à la recherche appliquée, elle en devient directrice, puis directrice générale de septembre 1987 à août 1997. Nommée en octobre 1997 directrice générale de la Coopération internationale (DGCI), Bernadette Sanou occupera ce poste jusqu'en janvier 1999, où elle est portée à la tête du ministère de l'Intégration régionale. C'est une femme de culture.
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Bernadette Sanou adore l'écriture: "J'aime la poésie. Pour moi, l'écriture est un moyen d'expression comme tant d'autres. A travers mes recueils de poèmes et de nouvelles, je dépeins ce que j'observe autour de moi..."
Quel accueil vous ont réservé les vôtres, à l'annonce de votre nomination?
Cette nouvelle a été très bien accueillie dans mon entourage. J'ai reçu beaucoup d'encouragements. Ma famille, mes proches, mes amis et mes voisins me connaissent assez bien pour savoir qu'une nomination ne change rien dans nos rapports.
Quel sont les axes prioritaires de votre département?
La libre circulation des personnes et des biens est la condition sine qua non à l'intégration véritable. Mais nous procédons par étape. C'est au plan économique que les choses sont plus engagées avec les décisions concernant les surveillances de la coopération multilatérale. Au dernier sommet des chefs d'États de l'UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), tenu à Lomé, une déclaration sur la question de convergence a été adoptée. La question la plus urgente est l'harmonisation des positions sur les plans financier et économique. A cet effet, des actions communes sont entreprises en direction de la TVA, des droits de douanes à l'entrée de certains produits... Les efforts sont axés sur ces questions, parce que ce sont des facteurs trés importants dans le volume des échanges entre les États-membres. Assurer la libre circulation des personnes et des biens, est un volet capital auquel les structures communautaires s'attellent. Il faut élaborer de façon progressive et concertée, des politiques sectorielles dans différents domaines : énergie, agriculture, élevage... et constituer des chantiers réalisés rapidement.
Des sommets comme celui de Lomé, aident-ils les ministères de l'Intégration?
Les conseils ont pour objet de rapprochers le plus possible les points de vue. Sinon, l'option de l'intégration n'aurait pas de sens. En dépit des difficultés, l'important, c'est qu'il y a une bonne volonté de part et d'autre. Le besoin d'avancer sur la voie de l'intégration et la réalisation d'un espace communautaire sont profitables à l'ensemble. La rencontre de Lomé a réaffirmé la nécessité de poursuivre les actions pour une réelle intégration.
Quelles sont les attributions de la DGCI?
La direction Générale de la Coopération Internationale est une direction du ministère de Affaires étrangères, qui s'occupe principalement de deux volets : les coopérations bilatérales et multilatérales.
Aviez-vous les coudées franches pour mener votre action?
Nous prospectons les nouvelles pistes possibles, la DGCI fait des suggestions. Mais l'ouverture diplomatique relève de l'action du ministre des Affaires étrangères et du chef de l'État.
Le monde de la diplomatie prend-il en compte la sensibilité féminine?
Le succès ou l'échec des négociations dépend de la volonté des partenaires en présence; Un homme n'aura pas la même approche qu'une femme dans la recherche de solution à tel ou tel problème. Autour d'une table de négociation, la mauvaise foi, la réserve... font inévitablement piétiner les discussions, tandis que l'honnêteté et la bonne foi sont les gages d'une issue heureuse.
Que retenez-vous de votre passage au ministère de la Culture?
C'était la première fois qu'on avait un ministère de la Culture. J'ai eu un mandat d'une année. La dimension culturelle a toujours eu un intérêt particulier sous les régimes révolutionnaires. C'est ce qui avait motivé la création de ce ministère. Les manifestations culturelles que nous vivons aujourd'hui ont vu le jour à cette époque et d'autres qui existaient déjà ont connu une réelle amplification. La Semaine nationale de la culture date de cette époque. Le cinéma a connu un essor réel avec la consolidation du FESPACO.
On a l'impression que nos gouvernements n'accordent pas à la Culture, la place qu'elle mérite...
Des préjugés font qu'au Burkina-Faso ou ailleurs, on n'accorde pas à la Culture tout le sérieux qui lui sied. La culture est importante. Elle est un secteur productif, créateur d'emplois et rentable, si on y investit. L'État ne peut être qu'un incitateur. Il pose les fondements. Les investisseurs privés doivent changer de mentalité, investir et créer des emplois. Les promoteurs privés devraient saisir la balle au bond. Ils feront oeuvre utile pour eux-mêmes et pour le pays.
L'édition au Burkina est un goulot d'étranglement à la promotion de l'activité littéraire. Que faire?
Il y a des problèmes réels pour éditer une oeuvre littéraire. Il y a des imprimeries, mais pas de vraies maisons d'édition. Il ne revient pas à l'État d'en créer. Cette initiative est du ressort de promoteurs privés. Il ne faut pas beaucoup de monde pour commencer, deux ou trois personnes peuvent même suffire.
Parlez-nous de vos activités littéraires...
J'ai des recueils de poèmes et de nouvelles. Mes recueils de poèmes m'ont toujurs valu des prix. En 1986, j'ai reçu le premier prix de Poésie avec un recueil en dioula (sans titre) et deux autres en francais : "Parturition" (pour adultes) et "Émeraudes" (pour enfants), au Grand Prix National des Arts et des Lettres (GPNAL). Le prix Jean Cocteau m'a été décerné en france (1995), avec "Quote part" et "Symphonie". En 1996, j'ai publié un recueil de sept nouvelles intitulé "La dernière épouse", chez Edilis à Abidjan (Côte-d'Ivoire)...
Quel message véhiculent vos oeuvres?
Toutes les nouvelles traitent de faits sociaux, le vécu quotidien dans toutes les sociétés, sur lesquels beaucoup de gens n'ont pas le temps de s'arrêter, pour s'interroger. Des titres comme : "Sacrée mère zizanie", "Le fils de l'abbé Jean-Baptiste Bambaga" sont éloquents. "Sacrée mère zizanie", est l'histoire de quatre amis que la zizanie oppose au point qu'ils s'entre-tuent. "Un albinos pour le trône" dépeint la société de ces politiciens qui pensent qu'il faut faire des sacrifices humains pour obtenir la voix des urnes et en viennent effectivement à commettre parfois des crimes odieux. "La dernière épouse" raconte les péripéties d'un homme qui n'en finit pas de se marier jusqu'au jour où il tombe sur cette femme qui décide qu'elle sera sa dernière épouse. Et elle mettra tout en oeuvre pour assouvir son dessein. "Le fils à Malick" met en exergue la ténacité d'un homme qui voulait avoir absolument un fils. Pour y arriver, il épouse une deuxième femme, car la première ne lui donne que des filles. A la venue de sa seconde épouse, la première commence à lui donner des garçons. Il est donc pris au piège.
Qu'est-ce qui vous pousse à écrire?
L'activité littéraire est pur moi quelque chose d'essentiel. J'aime la poésie. Je fais plus facilement de la poésie qui permet de dire, de façon ramassée, ce qu'on a sur le coeur. D'une manière ou d'une autre, les individus s'expriment sur ce qu'ils observent autour d'eux. Comme tribune d'expression, certains choisissent le journalisme, la littérature... D'autres, la politique, le syndicalisme ou la voie associative... Moi, j'apporte ma pierre à la construction de la société à travers la littérature. Les échos qui me reviennent sur mes écrits sont assez encourageants et j'ai bien l'intention de continuer.
Êtes-vous satisfaite de l'accès des femmes aux postes de décision dans nos pays?
Lorsqu'il s'agit de travail, de décision... il ne faut pas voir la femme, mais plutôt les qualifications et les compétences d'un cadre qui s'investit pour le développement de son pays. A qualification égale entre homme et femme, pourquoi ne choisirait-on pas la femme pour lui confier telle ou telle responsabilité? Si une femme a toutes les aptitudes pour accomplir une tâche donnée, pourquoi ne fait-on pas appel à elle, sous le seul prétexte qu'elle est une femme? S'il se trouve que pour un poste à pourvoir, une femme présente les conditions requises, où est le problème? Elle n'occupera pas la place parce qu'elle est femme, mais tout simplement parce qu'elle a les compétences nécessaires. Si la femme est meilleure, c'est tant mieux. A d'autres moments, j'ai estimé qu'il fallait de façon systématique nommer les femmes, si nous voulons être conséquentes avec nous-mêmes. Il y a des pays où un certain pourcentage obligatoire est réservé dans les nominations aux femmes. Il ne faut peut-être pas se fixer ce genre de règles. Le processus doit être naturel, parce qu'elles ont des qualités professionnelles certaines.
Oumdouba Ouédraogo