Née au Congo Brazzaville, Ghislaine Nelly Huguette Sathoud vit au Canada. Elle a publié de nombreux ouvrages, dont Les maux du silence, une pièce de théâtre interprétée lors de la Marche mondiale des femmes. Elle a également collaboré à un collectif publié par Pearson Éducation Canada. Militante active au sein de plusieurs organisations, on retrouve dans ses écrits, un intérêt marqué pour la condition de la femme. |
Du théâtre, en passant par la nouvelle vous arrivez au roman... Pourquoi cette façon de progresser ?
J'ai un message à faire passer et j'utilise pour cela le genre le plus adapté. Et puis, j'aime faire face à de nouveaux défis. J'ai commencé à écrire très jeune. Mon premier livre a été publié alors que je n'avais que 17 ans et que je jouais dans une troupe de théâtre à Pointe-Noire, au Congo- Brazzaville. J'ai commencé par écrire pour le théâtre. Parallèlement, je me suis lancée dans le roman et la poésie. D'ailleurs, en 2002, on a édité mon conte "Itiana" qui parle de la vie des orphelins en Afrique.
Pouvez-vous nous faire un résumé personnel de "Hymne à la tolérance" ?
Ce roman raconte l'histoire d'une jeune fille ambitieuse et remplie de rêves, qui s'accroche aux études et cherche à échapper à la situation familiale précaire dans laquelle elle vit. Malheureusement, elle se retrouve en Occident et réalise que toutes les promesses faites pour convaincre ses parents de la laisser partir n'étaient que du vent. Elle cherche à sortir de ce gouffre car elle ne supporte pas de vivre en Occident et de ne pas aller à l'école alors que dans son pays, elle était une brillante élève. Dans ce parcours semé d'embûches, Isati, l'héroïne, rencontre l'amour.
Malgré sa pauvreté, la famille d'Isati se bat pour garder sa dignité.
J'ai voulu montrer qu'on peut être pauvre et avoir de la dignité et de l'honneur. Qu'il ne faut pas user de malhonnêteté pour s'en sortir. Vous savez, dans la vie, il y a toutes sortes de personnes... Des gens qui ne se sentent à l'aise que lorsqu'ils humilient les autres. Voyez-vous, pour ce qui est de mon livre, cette bienfaitrice décide tout à coup de rendre service à sa tante en emmenant sa fille en Occident pour lui donner la chance de poursuivre sa scolarité dans des conditions meilleures... Mais la raison inavouée de ce geste est plus égoïste au fond ; cette soi-disant bienfaitrice a besoin de compagnie, j'allais dire, elle a besoin d'une victime pour oublier ses soucis quotidiens. Et c'est important de pouvoir chercher les raisons inavouées, les attentes secrètes qui se cachent derrière une main tendue ? Qu'est-ce qu'un bienfaiteur attend en retour ?
Vous avez choisi de quitter l'Afrique pour vivre au Canada. Dans les mêmes conditions que votre héroïne, Isati ?
Non, ce n'est pas un roman autobiographique. Je n'ai subi aucune pression pour quitter mon pays. Je suis arrivée le 23 janvier 1996 au Canada, alors que l'hiver battait son plein. Je m'inquiétais beaucoup à cause du froid. J'ai souffert du fait que mon fils ne pouvait bénéficier de presque rien parce que nous n'avions ni la résidence permanente, ni la citoyenneté canadienne. Mes deux autres enfants, qui sont nés au Canada, n'ont pas eu ce problème. Aujourd'hui, je peux me réjouir parce que mon aîné bénéficie des mêmes droits que mes autres enfants. C'était frustrant pour une mère de se retrouver dans une telle situation. Au Canada, le premier parent qui obtient la citoyenneté la donne automatiquement à son enfant et dans le cas de mon fils, c'était moi. Je suis toujours heureuse quand il dit à qui veut l'entendre : "Je suis citoyen canadien aujourd'hui parce que ma mère a réussi son examen de citoyenneté". Vous me direz que c'est une formalité, mais à mes yeux, cela symbolise beaucoup. Ma réussite à cet examen a réglé le problème de citoyenneté de mon fils. En ce sens, j'ai joué un rôle important dans son cheminement dans cette société. Cet examen n'était pas plus difficile que les études que j'ai suivies à l'université. Mais, il ne faut pas se méprendre, tous ceux qui s'y présentent ne le réussissent pas toujours (rires). Qu'aurais-je dit à mon fils en cas d'échec ? Que j'avais raté l'examen et que je le repasserais une autre fois ?
Votre vie professionnelle au Canada ?
Dans le cadre de mon travail, j'ai mené des recherches pour la préparation du "3e Sommet des citoyens sur la participation de la population sur l'avenir de Montréal" qui a eu lieu en septembre dernier à Montréal. J'ai également collaboré à un document intitulé "La vie démocratique montréalaise : une revue des grands dossiers". Nous étions trois chercheurs à travailler sur le sujet. Les résultats de nos recherches ont été publiés dans le document en question. Je suis passionnée par ce travail qui me donne l'occasion d'être en contact avec des gens de milieux divers. J'aime bien ce que je fais, alors j'ai pris l'habitude de publier des articles. Mon intérêt pour la condition de la femme n'a pas changé pour autant. D'ailleurs, en marge de mon travail, je participe à une recherche sur la violence conjugale en milieu ethno-culturel ; nous menons un travail de fond pour sensibiliser les hommes à cette problématique qui a des conséquences dévastatrices sur les victimes.
Finalement la jeune Isati découvre le grand amour après une vie difficile.
Oui, on dit qu'avec l'amour tout est possible, n'est-ce pas ? Tous les malheurs de cette jeune fille devenaient ainsi non seulement une leçon de vie, mais aussi une histoire du passé.
D'où vous vient votre inspiration ?
De la vie quotidienne et, bien entendu, je me sers de mon imaginaire. L'Afrique est aussi une source d'inspiration pour moi. L'éloignement renforce mon attachement à mes origines et je trouve dans mes racines des outils pour entrer en contact avec les autres. Concernant l'histoire que le raconte dans ce roman plusieurs jeunes filles innocentes se retrouvent malheureusement dans cette impasse. Et, hélas, toutes leurs histoires ne connaissent pas une fin heureuse.
Quel message le lecteur devrait-il retirer de la lecture de votre roman ?
Qu'on ne peut pas impunément faire du tort aux autres, que l'ingratitude et l'égoïsme sont condamnables. Qu'on peut vaincre l'adversité si on a la foi. Je prône la tolérance et la persévérance. J'appelle à l'acceptation de la diversité.
A quoi occupez-vous votre temps libre ?
Mon temps libre, je le passe avec mes enfants. Cependant je suis très active sur le plan culturel et je milite dans plusieurs associations, ce qui fait qu'il y a toujours quelque chose à entreprendre. Pour moi, avoir une vie active, c'est aussi une façon de donner l'exemple à mes enfants : celui d'avoir le courage d'affronter la vie et de ne jamais abandonner ses rêves.
Propos recueillis
par Jacques Bilé
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