Aminata Sow Fall: son second roman est présélectionné pour le Goncourt
Mme Aminata Sow Fall est une jeune femme sénégalaise professeur de profession et écrivain à ses heures. Son second roman "La grève des battus" (prononcez batou) a été retenu dans une première sélection des ouvrages à proposer au Prix Goncourt. |
Des membres de cette académie sont venus au Sénégal il y a quelques mois et les Nouvelles Editions Africaines leur avaient offert un choix des meilleurs livres qu'elles éditent. Parmi ceux-ci "La grève des battus". Son premier roman était intitulé "Le revenant". Aussitôt publié il a été épuisé et réédité.
Mme Aminata Sow Fall est née à Saint-Louis-du-Sénégal où elle a fait ses études primaires. C'est à Dakar qu'elle poursuit ses études secondaires jusqu'au bac. Elle continue ensuite à la Sorbonne à Paris jusqu'à la licence. De retour au Sénégal elle enseigne dans plusieurs lycées ainsi que dans des instituts dont le Cesti qui forme les journalistes à Dakar. Actuellement elle est à la Commission de réforme de l'enseignement du français. Elle a collaboré à plusieurs ouvrages pédagogiques dont le manuel de littérature française des classes de terminale.
Mme Sow Fall a bien voulu répondre à nos questions.
Quelle a été votre réaction en apprenant que votre dernier livre "La grève des battus" a été sélectionné pour le Prix Goncourt?
J'ai d'abord eu une réaction de surprise, car je ne m'y attendais pas. Ensuite ce fut un sentiment de joie. Cela fait plaisir de voir que les gens s'intéressent à ce qu'on écrit. J'ai reçu beaucoup de félicitations.
Dans votre livre, il est question des mendiants. Depuis votre enfance jusqu'à aujourd'hui, avez-vous considéré les mendiants comme un "encombrement humain" ou comme un problème social?
Il n'est pas bon de dire que les mendiants sont un "encombrement humain". Ils font partie de la société où nous vivons. Ils font partie de notre communauté. C'est d'ailleurs seulement aujourd'hui que se pose le problème des mendiants. Quand j'étais petite je voyais les enfants mendier non pas par pauvreté mais à cause de l'éducation qu'ils devaient recevoir. Les gens aisés envoyaient leurs enfants chez le marabout qui les envoyait mendier. Cela faisait partie de leur éducation à l'humanité. Aujourd'hui les choses se présentent autrement à cause de l'introduction d'un certain modernisme et aussi à cause de l'exode rural. L'argent a donné d'autres dimensions à ce qui au départ était éducatif et ce sont ces nouvelles dimensions qui font que les mendiants sont considérés comme "encombrement humain". La mendicité reste un problème social et il faut lui trouver des remèdes efficaces.
Quand vous avez écrit vos deux livres, pensiez-vous à faire réfléchir le lecteur africain sur un sujet donné? Autrement dit, en tant que professeur, cherchiez-vous à donner une leçon?
Je n'ai pas la prétention de donner des leçons au lecteur. Je veux simplement amener le lecteur à réfléchir sur certaines facettes de la vie qui me paraissent importantes. Quand j'écris je mets le doigt sur certaines tares et le lecteur est naturellement amené à rechercher les solutions.
Vous êtes femme et vous avez du succès avec vos livres. Pensez-vous avoir abattu une barrière entre l'homme et la femme? Vous sentez-vous une femme comblée?
Quand j'écris je ne m'oppose pas à l'homme. J'écris non pas parce que je suis une femme mais parce que je suis une citoyenne. Je n'écris pas pour montrer aux hommes que les femmes sont aussi capables qu'eux. Nous sommes tous dans la même société et elle a ses nombreuses questions qui se posent. Qu'une femme écrive sur ces problèmes me paraît tout naturel. Je me sens très bien comme femme et je ne me sens pas du tout opposée aux hommes. Je suis une citoyenne et c'est en tant que citoyenne que j'écris. Vous me demandez si je suis une femme comblée. Je vous dirai simplement que je ne me plains pas.
Vous avez vécu vos années d'université à Paris. Pensez-vous que les Français et les Européens en général puissent comprendre nos problèmes, nos moeurs, grâce à la littérature africaine?
Je pense que les Français et les Européens peuvent mieux nous comprendre grâce à la littérature de notre continent. J'ai eu pas mal de témoignages qui me font penser ainsi. D'ailleurs même s'ils ne faisaient pas assez d'efforts pour nous comprendre - ce qui n'est pas - il faudrait que les écrivains africains continuent à se faire connaître. Quand les Européens écrivent, ils ne pensent pas à nous ni à l'âme africaine. Mais nous les connaissons à travers leur littérature. Je pense qu'il doit en être de même pour les Africains.
Avez-vous gardé de bons souvenirs de vos années d'études en France?
Oui, j'en ai gardé pas mal. Il y a eu les difficultés inhérentes à l'arrivée d'une jeune étrangère dans une ville étrangère mais cela s'estompe vite et l'on s'insère dans le milieu.
Quels sont vos projets?
Je complète continuer à écrire. Il est vrai que je n'ai pas que cela à faire, car j'ai mon travail et ma famille. Mais dès que j'aurai le temps je me remettrai à écrire.