Les Confidences de Aminata Sow Fall.
Invitée de l'émission radio: "Confidences", Mme Amina Ta Sow Fall a bien voulu nous livrer un peu d'elle-même: "Il y a des choses qu'elle taira, dit elle, parce que tout être humain a certains secrets dont il ne veut pas qu'ils tombent dans l'oreille publique". |
"Quand on est engagé dans la vie publique on a l'impression d'être comme dévêtu et il y a des choses que l'on voudrait garder pour soi. Peut-être pour se donner l'illusion que ce que l'on garde pour soi-même vous appartien".
Votre famille. Est-ce que vous vous consacrez entièrement à elle? Est-ce que vous avez le temps de vous occuper d'elle?
Oh oui! Justement j'y tiens. Je ne veux pas sacrifier ma vie de famille, ça c'est vraiment très très important pour moi. Et je crois que dans la hiérarchie des choses, cela vient en premier lieu. Disons que je voue un culte sacré à l'idée de famille, et si je devais sacrifier mes activités professionnelles ou mes activités littéraires pour ma famille, je pense que je le ferais. Mais heureusement ce choix ne se pose pas.
C'est vrai? Si ça c'était posé, vous l'auriez fait vraiment?
Oui, je l'aurais fait. Je n'aurais pas sacrifié ma famille parce que je crois que je n'ai pas le droit de laisser s'égarer mes enfants. J'ai des enfants, j'ai ma maison, ma famille, j'ai mon mari. J'ai choisi une certaine conception de la vie de famille et je ne vois vraiment pas un prix qui puisse me faire sacrifier cette famille-là pour autre chose.
Votre mari justement. Est-ce qu'il ne vous arrive pas de le négliger, parce que vous écrivez?
Non. Quand j'écris je ne néglige pas mon mari, ni mes enfants ni même mon travail. J'écris à mes moments de loisirs, quand j'en ai vraiment le temps. C'est en général quand je bénéficie d'un congé ou alors, dans certaines périodes, le matin de bonne heure ou dans la journée quand j'ai des heures creuses.
Comment votre mari a-t-il réagi quand vous êtes devenue un écrivain célèbre?
Il a très bien réagi. C'est en tout cas un des premiers qui m'ont encouragée et je reçois toujours ses critiques et ses encouragements...
Mme Aminata Sow Fall nous apprend que son mari est lui aussi dans l'enseignement à l'école de formation de la BCEAO, car il est avant tout économiste. Son mari n'a pas encore écrit de livre. Comme on lui demandait si elle avait des filles qui désirent lui ressembler, elle a répondu qu'il est normal que dans une famille les enfants cherchent à ressembler à l'un des parents. Je crois que c'est là le rôle d'un parent: constituer un exemple pour la famille. Et je pense que quand un parent a raté ce rôle il a raté presque sa vocation. (Il y a là un sujet de dissertation pour bacheliers).
Revenons à votre itinéraire.
Je suis née à St-Louis. J'y ai passé toute mon enfance au sein d'une famille unie, harmonieuse, où je n'ai pas recontré de difficultés à mon épanouissement. J'y suis restée jusqu'à l'adolescence et je suis venue à Dakar du lycée Faidherbe au Lycée VanVo... Et cela parce que à l'époque ma grande soeur, Arame, qui est actuellement a`L'IFAN, s'était mariée et devait venir à l'université de Dakar. Et comme elle allait se retrouver seule à Dakar, ma mère m'avait demandé de l'accompagner pour lui tenir compagnie. C'est ainsi que j'ai passé les deux parties du bac au lycée Van Vo... Ensuite je voulais faire une carrière d'interprète internationale et j'ai commencé ces études en France, et en même temps je faisais des études de lettres à la Sorbonne. Entretemps je me suis mariée en France. En 1963 Je me suis aperçue que cela faisait beaucoup de travail, et j'ai laissé tomber l'interprétariat et je me suis consacrée aux études de lettres avant de revenir enseigner au Sénégal.
Vous étiez bonne élève?
Oui, jétais bonne élève. Oui ça, j'étais bonne élève. Peut-être pas brillante, brillante, brillante, mais j'étais bonne élève. Et dans certaines matières j'étais brillante.
Lesquelles?
Dans les matières littéraires. C'est en physique-chimie que je n'étais pas très bonne. Ainsi quand j'ai passé la première partie du bac, j'avais eu une note minable en physique-chimie, ce qui ne m'a pas empêchée de réussir...
Qui étaient vos promotionnaires à St-Louis et Dakar?
A St-Louis on était tout un groupe, je vais vous étonner, je n'ai pas eu un groupe d'amies avec lesquelles j'étais tout le temps. Disons que mes amies n'étaient pas nombreuses. J'ai eu une amie d'enfance. On était toujours ensemble toutes les deux. On a fréquenté l'école ensemble, elle venait tous les matins me chercher. C'est Mme Marième Diouri. Alors, elle vraiment, si je dois dire que je n'ai qu'une amie, c'est elle que je citerai. Elle est restée ma meilleure amie malgré les activités qui font qu'on ne se voit pas comme nous l'aurions voulu. Mais disons que s'il y a quelqu'un à qui j'aimais parler de mes affaires personnelles, c'est à elle.
Mme Aminata Sow Fall, vous êtes incontestablement, si l'on tient compte des efforts fournis sur le plan création, une grande figure littéraire, est-ce que vous partagez cet avis?
Je ne peux pas partager cette idée, parce que je ne peux pas me juger. Quand j'écris je ne peux pas être juge et partie. J'écris et je livre ce que j'écris au public. Je suis heureuse de voir que la réaction du public n'est pas négative. C'est avant tout à ce public que je m'adresse et c'est ce public qui me permet de m'exprimer. Et s'il m'entend et me prête une oreille attentive, je ne peux que m'en féliciter.
Comment êtes-vous venue à l'écriture et que représentent pour vous ces livres?
Je crois que c'était inscrit dans l'ordre des choses. J'ai toujours aimé les livres et j'ai voué un culte quasi mystique à la lecture depuis mon enfance. Pendant les vacances scolaires je ne faisais que lire. Mes frères, mes cousins, qui étaient des élèves brillants, recevaient des livres aux prix de fin d'année. En outre mon père avait toute une bibliothèque bien garnie, ce qui était rare à l'époque et je n'avais que l'embarras du choix. Je choisissais mes livres à la maison et je passais tout mon temps à lire. Et cet amour de la lecture a continué jusqu'à mes études de lettres, et c'est à ce moment, quand j'étais étudiante, que j'ai commencé à gratter le papier. Mais je n'y croyais pas, je ne me voyais pas écrivant un livre édité, publié et dont on parle. Donc quand j'étais étudiante à mes moments de détente, parfois même à la bibliothèque universitaire, je faisais des ébauches de pièces de théâtre, quelques poèmes. Je ne prenais pas ça au sérieux. Je pense que ça arrive à tout le monde. Après mes études, je suis revenue au Sénégal et je me suis mise à regarder autour de moi pour constater que beaucoup de choses avaient changé. Alors le désir d'écrire est devenu assez vif en moi et je me suis dit que j'allais essayer d'écrire comment nous vivons. En outre, j'avais vu l'évolution de la littérature. Le nègre écrivait avant pour se réhabiliter et c'était normal. Et ce qui m'étonnait beaucoup, c'est que chaque fois qu'on voyait un livre le nègre se posait toujours en référence à l'occidental. Par exemple même si l'écrivain africain décrivait une coutume africaine, une manière d'être africaine, il se trouvait, se sentait presqu'obligé de dire: voilà comment ça se fait en Afrique. Je me suit dit que nous n'avions pas besoin de dire cela, nous devions nous voir vivre à travers notre littérature parce que quand les autres peuples nous présentent leur littérature, ils nous la présentent telle quelle et nous la découvrons ainsi. Nous devons essayer nous aussi de présenter notre littérature aux autres pour qu'ils nous voient et nous comprennent. Et je pense que l'enrichissement mutuel des cultures ne peut que passer par là.
C'est à ce moment que j'ai écrit mon premier livre, que le l'ai terminé et que je l'ai daté. Comme j'étais enseignante, je n'avais pas tellement confiance et j'ai gardé longtemps le manuscrit. Mon mari m'a encouragée. Il a pris le manuscrit et il l'a montré à un enseignant de l'université de Dakar qui était notre voisin et ce dernier a conclu qu'il fallait faire éditer le livre. C'est alors que j'ai apporté le livre aux Nouvelles éditions africaines et
Et avant ce livre?
Je ne peux pas vous dire. J'en ai dans mes tiroirs: des pièces de théatres quelques poèmes. Je pense bien les éditer.
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Elle assure qu'elle n'a pas le temps de penser à sa pré-sélection pour le prix Goncourt. Quant à son comportement elle est restée Aminata Sow Fall. Voici ce qu'elle en dit: "Je me sens bien. Mais je ne me sens pas une nouvelle peau: je me sens toujours dans la même parce que je pense que c'est dangereux pour un être humain de changer de peau. Il faut toujours rester soi-même et avoir les pieds sur terre. Je suis toujours la même."
«Les confidences de Aminata Sow Fall.», Amina 120 (nov 1982), pp.64-65.
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The The University of Western Australia/French
Created: 10 Feb 97
Last modified: 10 June 99
Archived: 12 October 2016
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