"Les femmes
sont sans conteste les piliers du monde..."
Marie-Léontine Tsibinda vient de publier chez Bajag-Meri (95280 Jouy-Le-Moutier, France) le recueil de poésie "L'oiseau sans arme" et l'Anthologie "Moi, Congo". |
Peut-on considérer la parution successive de vos deux ouvrages "L'oiseau sans arme" et "Moi, Congo", comme une consécration?
"L'oiseau sans arme" est une oeuvre poétique. "Moi, Congo" est né après la Conférence Nationale Souveraine qui donnait au Congo un nouveau départ à tous points de vue : culturel, économique, social, politique, etc... Nous avons sombré dans la déraison. "L'oiseau sans arme" est un chant solitaire, chant de liberté et d'espérance. "Moi, Congo" également avec la différence suivante : plusieurs écrivains des deux rives ont accepté de participer à cette aventure, plusieurs peintres et un philosophe. C'est un genre que je suis en train d'explorer. Il montre combien florissante est notre capacité d'imaginer, de rêver, d'aller vers la quête de la grâce, tout en chantant la vie, la mort, l'amour, les lois naturelles. Chercher à partager ces instants sublimes : est-ce là la consécration ? Je me pose encore la question...
Vingt ans d'existence littéraire... Peut-on penser que vous êtes majeure?
Il n'est pas souvent facile de déterminer quand un enfant devient adulte et quand un adulte demeure enfant. La majorité d'une oeuvre est un travail de longue haleine. Je cherche encore ma voie. Si ce que j'écris touche une âme, alors, je suis sur la bonne voie. Ne dit-on pas : "Qu'aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années?"
Quelles leçons peut-on tirer de ce parcours?
Un parcours riche en expérience humaine. Car sans l'homme, sans le regard de l'autre, tout est vain. Aujourd'hui, avec cet hommage organisé par Nouvel'Art et le Centre Culturel Français, je me dis qu'une porte s'est ouverte et qu'il me faut explorer l'espace où je me tiens en ce moment. L'explorer, le connaître, lui parler, le dompter pour réaliser des choses plus belles.
Quelles relations y-a-t-il entre la jeune fille et la femme, l'épouse et la mère d'aujourd'hui?
Je suis mariée au poète Bilombo Samba, devant Dieu et devant les hommes. Nous essayons de promouvoir la culture chez nous. Car pour nous, la culture constitue le socle véritable de toute une société. Un peuple sans culture est un peuple mort, ce n'est pas nouveau. En tant que femme, je prends racine dans ma culture qui me permet de regarder l'autre en face, de lui tendre la main, et de dialoguer et d'accepter mon destin de femme écrivain avec l'homme que j'ai choisi.
Poèmes de la Terre... Poèmes de la Mer...
La racine est la même : congolaise. Jean Baptiste Tati-Loutard chante la mer, l'amour, la vie sous toutes les formes. Nous disons la même chose selon notre sensibilité, nos expériences. La terre c'est le commencement et c'est la fin. D'elle, nous venons et à elle nous retournons... poussière quand notre séjour sur terre prend fin. Elle nous donne notre pain de tous les jours, à la sueur de notre front. Et la terre est merveilleuse. C'est notre richesse commune. Grands et petits, riches et pauvres y trouvent leurs espérances.
"Demain un autre jour", "L'oiseau sans arme" : besoin de dénoncer?
Je ne dénonce rien. Je dis la vie telle qu'elle se présente. Les assassins assassinent. Les écrivains écrivent. Et la vie continue...
"Moi, Congo" : humus national ?
"Moi, Congo" est l'enfant de la Conférence Nationale Souveraine. Les peintures et les textes sont magnifiques. Les Congolais écrivent leur histoire, la vraie. L'Afrique doit prendre en main son destin, le façonner à son image, refuser les idées qui font de nous un continent toujours mal parti. Nous avons tous un rôle à jouer, une responsabilité à accepter. Les chaînes doivent tomber, les ténèbres doivent devenir lumière.
"Moi, veuve de l'empire" ou "Moi, Congo"...
Les hommes ont toujours minimisé l'action des femmes. Ils oublient que dès le premier livre - la Bible pour moi -, la femme est présente : "Qui nous roulera la pierre loin de l'entrée du sépulcre...?", disent-elles. Pourquoi Parce que les hommes complotent à n'en plus finir : guerres, crimes, tout ce qui souille la terre prend racine dans leur coeur. Aujourd'hui, la terre est à feu et à sang. Qui s'occupe de la famille pendant que les pillards et les assassins sont sur les routes ou dans leurs bureaux pour préparer leurs coups ? Les femmes ! Elles assurent malgré la terreur, l'angoisse, la mort, le bon déroulement de la maisonnée. Elles subissent toutes les humiliations, toutes les peines, les blessures mais tiennent debout. Elles sont sans contexte "Les pilliers du monde...".