Regina Yaou, originaire de la sous-préfecture de Jacqueville, est
née en 1955 à Dabou en Côte-d'Ivoire. Découverte en
1977 grâce à sa nouvelle La Citadine, elle est aujourd'hui
l'auteur de Lezou Marie, La révolte d'Affiba, Le prix de la
révolte, Les germes de la mort (une trilogie), et de quatre autres
romans dans la collection sentimentale Adoras...
L'auteur a - à son actif - de nombreuses autres oeuvres inédites. Elle signe, avec L'indésirable, sa dixième publication. Notre correspondant l'a rencontrée. |
Pour nos lectrices, présentez-nous votre roman L'indésirable qui vient de paraître chez Ceda...
Etiwoa, à qui il n'arrive que ce que nul ne désire, est victime d'un viol, un soir de pluie, dans un parking mal éclairé, à quelques pas de chez elle. Peu après, elle se rend compte qu'elle est enceinte. C'est le point de départ d'une histoire pour le moins rocambolesque qui montre le tumulte intérieur et les contradictions d'une femme traumatisée, à la recherche d'une bouée de sauvetage.
« Tous pareils, les hommes ! En échanger un contre un autre, c'est perdre son temps ! Est-ce que pour autant cela leur confère le droit de s'ériger an tortionnaires de femmes ? ». Cette citation est tirée de votre livre. Elle n'est pas tendre pour l'homme. Quelle image avez-vous de celui-ci?
C'est vrai que cette phrase n'est pas tendre pour l'homme. Mais qui aime bien châtie bien. Je ne sais trop comment définir l'homme, mais je trouve que c'est l'être le plus égoïste qui soit. Il a beau être tendre, généreux, attentionné, il trouvera toujours le moyen de tout gâcher si cela va dans le sens de ses intérêts. Ainsi, on a déjà vu des hommes se conduire en époux et pères irréprochables dans leur foyer - tout en entretenant une maîtresse - et sans accorder d'importance au fait que l'épouse en souffre...
Quelle signification particulière donnez-vous à I'illustration de cette couverture?
Ce tableau - oeuvre du peintre-écrivain ivoirien Gina Dick - m'a été proposé par l'éditeur en même temps que d'autres dessins. J'ai tout de suite opté pour celui-ci, parce qu'il illustre parfaitement. Etiwoa et ses états d'âme. Abandonnée, violée, mise enceinte par un inconnu, elle cherche refuge au ciel, au milieu des étoiles, ce que montre bien ce tableau.
Avoir un seul enfant peut-il créer des tensions dans le couple?
Non, je ne crois pas. Certes, en Afrique, on préfère les grandes familles, mais à défaut de mieux, on se contente d'un enfant. L'argument utilisé par Aman - époux d'Etiwoa - n'était qu'un prétexte pour se débarrasser d'elle. Il avait envie de "vivre sa vie" et elle représentait un obstacle.
Ne pas avoir d'enfants est-il dramatique pour une femme ? Pourquoi ?
Oui, c'est quelque chose de terrible. Une femme, en général, se dit qu'elle est faite pour donner la vie. Lorsqu'elle n'y arrive pas, elle épouve un sentiment d'échec. C'est comme si elle n'était bonne à rien, comme si son destin ne s'était pas accompli. Il y a aussi les dures paroles qui ne manqueront pas d'être prononcées à son encontre par son mari et/ou sa belle-famille, sans compter les quolibets des autres personnes mal intentionnées.
La fausse-couche d'Etiwoa n'est-elle pas un clin d'oeil à votre cas personnel ? Etiwoa n'est-elle pas le rêve de Regina Yaou ?
Non, je ne crois pas. Il y a tellement de femmes qui font des fausses-couches qu'on peut en parler sans en référer à soi. Etiwoa a un destin trop tourmenté pour que je puisse la considérer comme mon rêve.
Comment se faire violer par un homme sans le reconnaître, dans la mesure où cette femme a passé de nombreuses années avec le violeur ?
Quelle femme - violée dans le noir par quelqu'un - peut-elle avoir le temps de reconnaître le corps d'un homme avec qui elle a jadis vécu ? Il ne s'agit pas-là d'un acte d'amour aù l'on prend le temps de parcourir le corps du partenaire, mais d'une agression !
La structure de votre roman ressemble à celle de Danielle Steele. Avez-vous de l'admiration pour cette grande romancière ?
Ah bon ! Mon roman ressemble à ceux de Danielle Steel ? J'ai déjà lu deux ou trois oeuvres de cette romancière. Oui, je l'admire parce qu'on s'arrache ses romans, mais pas au point qu'elle me serve de modèle...
Dans votre roman, on remarque des passages relatifs à une certaine église. Êtes-vous de cette église ? Si oui, quelle est votre intention en nous en parlant ?
Non, je ne suis pas de cette église, qui d'ailleurs se trouve aux États-Unis. Mais j'appartiens à une communauté du même courant évangélique ou pentecôtiste. Mon intention, en en parlant, c'était de montrer que de nos jours, on peut tomber amoureux et se marier sans se connaître physiquement, si on est vraiment enraciné dans sa foi.
Quels sont les devoirs d'une femme en Christ ?
Pratiquer l'abstinence si elle est célibataire, être fidèle si elle est mariée, ne pas pratiquer d'avortement, se soumettre à son mari, entre autres...
Une autre citation de ce roman : « C'est à cause de la promptitude des femmes à pardonner et à céder que les hommes se croient tout permis ». Quel commentaire vous inspire cette phrase?
Si les femmes pardonnaient moins facilement aux hommes le mal qu'ils leur ont fait, ils y regarderaient à deux fois avant de recommencer. Ils se disent: "Oh ! Elle m'aime. Elle va laisser tomber...". Du coup, ils font ce qu'ils veulent, peu importe...
Que faut-il à une femme pour être heureuse?
Peu de choses. Beaucoup de tendresse, un peu de compréhension. A d'autres, il faut aussi le luxe et l'argent. Mais quand on aime sincèrement, le strict minimum suffit pour vivre heureux.
Pourquoi avoir dédié ce roman à votre soeur aînée Euphrasie ? Où est-elle ? Que fait-elle ? Quelle a été sa réaction à la vue de cette dédicace ?
Euphrasie, l'aînée de la famille, est la première personne à m'avoir encouragée et soutenue lorsque je faisais mes premiers pas dans l'écriture. Je n'étais qu'une gamine de 12-13 ans. Elle se moquait parfois un peu de moi, mais me félicitait et "faisait ma pub" autour de nous. Euphrasie, qui vient juste de prendre sa retraite, vit à Abidjan avec son mari et ses enfants. Elle a été ravie quand elle a vu cette dédicace, surtout que je ne lui en avais pas soufflé mot avant la parution du livre...
Pour vous, quel genre d'homme est Richard ? Comment justifiez-vous le fait qu'il n'arrive pas à épouser Etiwoa ?
Le genre qui ne fonce pas. Il attend toujours que cela arrive tout seul. Il n'arrive pas à épouser Etiwoa parce que cela ne fait pas partie de son destin, c'est tout.
Pour terminer, quels conseils donneriez-vous à une femme pour réussir sa vie de couple ?
Ne jamais élever la voix quand elle parle avec son époux, quelle que soit sa colère ou son indignation. Respecter son conjoint, lui consacrer du temps, lui donner des conseils, l'épauler psychologiquement et financièrement. Être une bonne partenaire dans l'intimité également.
Propos recueillis
par Isaïe Biton Koulibaly