Assamala Amoi, auteur d'un premier roman, "Appelez-moi Bijou", et d'un recueil
de nouvelles aux éditions CEDA, nous offre aujourd'hui son second roman
"Le Deuil des Emeraudes", aux éditions La Bruyère. Issue de deux cultures, française et ivoirienne, elle est née dans le Xe, à Paris, d'un père professeur de Lettres Modernes et d'une mère jardinière d'enfants. Elle a fait des études de Lettres section anglais, jusqu'au DEA, et en parallèle un certificat de traduction obtenu en juin 2005 à l'institut de l'Université de Londres à Paris. Assamala Amoi plonge son regard interrogateur et plein d'acuité dans les campagnes africaines avec un talent qui lui est propre, plein d'enthousiasme et de bonheur. Une Afrique remplie de promesses pour tous ceux qui luttent pour leurs droits. "La politique est un fléau et une arme redoutable pour qui sait la manier". La narratrice nous oblige à en prendre conscience et à plonger en nous-mêmes afin d'entrevoir le devenir d'un continent en détresse. L'Afrique est-elle prête à envisager en toute sérénité l'émergence d'un type nouveau de leaders ? Assamala Amoi, dans une écriture fluide, claire et sans métaphores, évoque la quête perpétuelle d'une politique nouvelle pour le continent africain. De passage à Paris, AMINA l'a rencontrée à l'occasion de la sortie de son livre "Le Deuil des Emeraudes". |
Dans quel pays d'Afrique se déroule l'histoire de votre roman, "Le Deuil des Emeraudes" ?
Dans un pays imaginaire. Il m'était un peu difficile de choisir un pays d'Afrique spécifiquement. J'ai préféré l'évoquer dans un pays imaginaire, afin de mettre toutes les composantes que l'on retrouve un peu dans les pays africains; c'est un peu un concentré de différents pays d'Afrique: le Koulo, c'est un pays qui peut être situé partout. C'est toujours de l'imaginaire.
Deux titres de romans où vous faites référence aux bijoux, ça vous donne de l'imagination pour vos romans ?
Je dirais que oui, parce que les bijoux cristallisent très souvent beaucoup de passions au niveau des êtres humains, à savoir la convoitise, le désir, la cupidité même, et cela peut parfois les mener à tuer et à trahir. Oui, je trouve que ça cristallise beaucoup de passions humaines et consciemment ou inconsciemment, je parle souvent de bijoux.
Vous commencez votre roman par la fin en annonçant la mort d'Iroko ...
J'avoue qu'il y a des choix que l'on fait sans réfléchir, un peu guidés par l'inspiration. Je vous l'explique. En fait dans la vie les choses ne commencent par forcément au début, elles peuvent commencer par la fin et il n'y a pas de ligne droite. C'est ce que j'ai cherché à refléter dans le roman, dans la structure du livre. Le suspense n'est pas vraiment mon objectif, mais plutôt la densité, l'intensité de la tragédie. Pour moi ce n'est pas important que le lecteur s'y retrouve dans la chronologie des faits, mais qu'il ressente tout ce qui est en jeu, avec les émotions à la fin du roman.
Un roman à la fois transparent dans son histoire, avec des revirements de situations, des révoltes, des incompréhensions et parfois des ambiguïtés autour des personnages. Comment l'expliquez vous ?
Tout simplement ! C'est la fiction, l'imaginaire, mais il y a quand même un va-et-vient entre la réalité et l'imaginaire. Et dans la réalité les gens ne sont pas lisses et simples : ils sont plutôt complexes, pleins de contradictions, et c'est tout ça qui fait la pertinence, la densité psychologique de l'œuvre. C'est pour ça que j'ai tenu à avoir des personnages qui ne soient pas parfaits. Il s'agit d'une histoire d'amour entre Ndilé, l'héroïne du roman, et Iroko L'Archer, un combattant. Il est à la tête d'un syndicat des agriculteurs du pays. Il défend une cause. Elle exerce le métier de médecin. Leur condition les oppose. Elle se retrouve embarquée dans des histoires de famille et tous deux vont subir des représailles du pouvoir en place. Ndilé sera même radiée de l'Ordre des médecins. Il y a aussi Shani, la sœur d'Iroko, une personne qui vit une sorte de rédemption.
Deux hommes s'opposent politiquement: Son Excellence M. Dieudonné Gnamian-Ba et M. Iroko L'Archer. Est-ce pour un développement favorable de l'Afrique ?
Je pense que les deux sont liés, un combat politique et un combat d'hommes. Ces personnes représentent et vivent leurs causes. On ne peut pas complètement séparer les deux. C'est vrai que c'est un combat politique, parce qu'ils ont chacun une vision différente de la chose. Gnamian-Ba Dieudonné, c'est le potentat africain qui voudrait être, à la limite, Dieu sur terre et imposer sa loi aux autres sans tenir compte de leurs besoins et de leurs opinions. Iroko, lui, a une autre vision plus partagée du développement: il est syndicaliste et se bat pour l'agriculture. J'ai pris l'agriculture pour symboliser les matières premières. Alors qui aura le dernier mot ? La question reste posée. Nous ne sommes pas dans une problématique où tout a été résolu, donc pour le moment nous n'avons pas encore de réponse.
Dans ce roman vous avez voulu évoquer les problèmes économiques de l'Afrique. De quel ordre sont-ils ?
Je ne suis pas une spécialiste en économie, mais je les évoque en tant que simple narratrice, romancière, qui raconte une histoire, qui veut faire réfléchir et qui veut apporter son petit grain de sel, sans prétention. C'est simplement pour moi le partage des richesses, de voir que l'on ne laisse pas l'opportunité à un peuple d'essayer de se développer. Dans le roman les planteurs sont spoliés, on ne leur laisse pas une chance de pouvoir s'en sortir. Un peuple pour se développer n'a pas besoin de la générosité d'un dirigeant, c'est simplement des mécanismes appropriés qui vont garantir son développement. L'actualité m'a beaucoup aidée. Pour ne pas dire n'importe quoi, j'ai fait quelques recherches dans le domaine.
Pour terminer, quelles sont vos différentes activités et projets pour l'Afrique ?
Je suis principalement éditeur. Je m'occupe d'éditions de documents dans l'organisation où je travaille : je regarde la terminologie, je corrige la syntaxe, parfois je fais l'harmonisation avec les originaux qui sont en anglais. J'écris à mes moments perdus. Je travaille sur mon prochain roman qui se situera dans les milieux de la gestion des grosses sociétés en Afrique et abordera les problèmes de développement économique, avec un peu de romance bien sûr.
Propos recueillis
par Wanda Nicot