Née en Belgique d'un père gabonais et d'une mère suissesse, Bessora a vécu en Afrique et aux Etats-Unis, avant de venir faire ses études en Europe. Elle travaille dans le monde de la finance aux Etats-Unis, puis quelques années plus tard, elle s'installe à Paris et entame des études d'anthropologie et obtient un doctorat. Sa particularité ? Elle observe et écoute, ce qui fait partie de son travail d'écrivain. Dans son nouveau roman « Et si Dieu me demande, dites-lui que je dors » (Continents Noirs/Gallimard), Bessora travaille sur un personnage sans relief au départ et elle en fait une créature complètement autonome. |
Vous présentez trois femmes romancières dans leur parcours initiatique.
Ce livre commence par une lettre que Rosie Parks, le personnage principal, reçoit d'un éditeur camerounais. Ce dernier dit s'appeler Edmond VII et être cousin de Louis XIV et de Jean-Paul II. Il lui propose un voyage fabuleux en compagnie de deux autres écrivains, à condition qu'elles écrivent une nouvelle sur un thème un peu mièvre : La femme que j'ai rêvé être et celle que je suis devenue. À partir de là, le roman va se décliner en un double voyage : un voyage à l'intérieur de sa mémoire d'abord, qui se passe dans un laboratoire d'analyses médicales, et un voyage au Cameroun en compagnie de Mona Lisa et d'Angélique qui ont participé au même recueil de nouvelles.
Qu'est-ce qui vous a intéressée dans le parcours de ces femmes littéraires ?
C'est la peinture de trois rapports à l'écriture : Rosie Parks qui a volé l'écriture, comme on vole le feu. Angélique qui l'a violée, et Mona Lisa qui est inspirée. Les rapports de ces auteurs à l'écriture, comme leurs travaux, sont reçus par les lecteurs : elles les rencontrent et échangent avec le public. C'est aussi l'occasion d'un voyage au Cameroun.
"Je ne vous laisserai pas m'enchaîner dans les montagnes du Caucase et vous ne m'attraperez jamais...". Quelle remise en question cette phrase soulève-t-elle ?
Rosie Parks a volé les mots à la forge des mots, lorsqu'elle était jeune. Depuis qu'elle a commis ce délit, elle a peur d'être enchaînée dans les montagnes du Caucase et que Dieu, comme il l'a fait avec Prométhée, lui envoie un aigle pour manger son foie. Elle veut s'enfuir, persuadée qu'à Yaoundé, les aigles ne la trouveront pas.
Dans quel but Son Altesse Edmond VII décide-t-il d'envoyer cette lettre à ces trois femmes ?
Edmond VII est un éditeur qui sait appâter les auteurs puisqu'il se présente comme le cousin de personnages historiques célèbres. Il sait que les plus belles plumes des cinq continents participeront à ce recueil de nouvelles. Ce défi qu'il lance, Rosie Parks veut le relever, sauf qu'elle est amnésique et que c'est un peu compliqué.
Quelle est la vie de ces trois femmes avant de réaliser la femme en devenir ?
Elles sont toutes arrivées à l'écriture de manière très singulière. Rosie Parks se souvient qu'on lui a volé son journal intime lorsqu'elle était enfant, alors elle a perdu les mots mais a été en chercher d'autres qui ont fait d'elle un écrivain. Mona Lisa et Angélique sont arrivées à l'écriture par d'autres chemins qui leur sont personnels.
Rosie Parks est amnésique, comment va-t-elle recouvrer la mémoire ?
Elle va retrouver sa mémoire grâce au Dr Bally qui lui fera subir des épreuves. Elle sera sanglée sur une chaise d'hôpital et soumise à de nombreux examens.
Quelles sont les réactions des trois femmes quand elles se rencontrent et découvrent Son Altesse Edmond VII ?
Elles doivent l'attendre car il se fait désirer. Elles se
rencontrent en arrivant à Yaoundé à l'Hôtel Hilton,
au petit déjeuner, chacune à sa table. Elles verront Edmond VII
quelques jours plus tard, sur un plateau de télévision...
Elles
deviennent la femme qu'elles ont rêvée, même au-delà.
Mona Lisa a rêvé d'être écrivain depuis enfant et
elle y est arrivée ; Angélique voulait d'abord devenir
médecin guérisseuse, puis médecin des âmes,
professeur de français, puis écrivain. Rosie n'a jamais
rêvé d'être écrivain mais elle est devenue
écrivain également.
Dans le roman, il y a une ambiance, le désir de retourner aux sources dans l'ouest du Cameroun ?
Lors du second voyage au Cameroun, l'atmosphère est très particulière, magique et terrifiante. Elles font des conférences, reçoivent des fleurs et des crachats, et elles vont tout prendre.
Vos personnages ont souvent des troubles psychologiques, pourquoi ?
Parce que la vie est une maladie mortelle. Forcément, elles ont des troubles, et si elles n'en avaient pas, elles n'écriraient pas. On écrit à partir de ses blessures, les mots et les maux transcendés.
Rêver d'être une autre femme, n'est-ce pas un sujet hors du commun ?
C'est quand on a ce rêve là que l'on devient écrivain. On peut être mille femmes, mille hommes, un arbre, un objet. C'est toute la fascination de l'écriture et de la création en général.
Propos recueillis
par Wanda Nicot