Aïssatou Diamanka a un brillant parcours : après un BSTC(BTS) de journaliste à l'institut supérieur de l'information et de la communication à Dakar, elle suit des études de sciences politiques. Son DEA en poche, elle prépare une thèse à Nanterre Paris X. Romancière, journaliste, rédactrice en chef sur MBOATV, la première chaîne musicale africaine, elle présente avec brio l'émission "Le Baobab littéraire". |
Parlez-nous de la rencontre avec les responsables de MBOATV ?
J'ai envoyé mon roman qui venait d'être publié pour être invitée par la chaîne que j'avais repérée sur le net. Quelques jours plus tard, le directeur, Jacques Ekeke, m'a appelée et m'a reçue avec sa femme, Isabelle Fascias. Par la suite, ils m'ont proposé de rejoindre l'équipe car mon CV les intéressait. Je n'ai pas hésité car il s'agissait de la promotion de la culture africaine. Une initiative excellente car les Africains font un travail remarquable bien que restant dans l'ombre ! J'ai pensé: "Enfin un média qui va nous ressembler et nous rassembler !" J'ai accepté sans hésitation.
Pourquoi votre émission s'appelle-t-elle "Le Baobab littéraire" ?
C'est le baobab africain, l'endroit où les anciens se réunissaient pour discuter des choses publiques. L'émission donne la parole aux écrivains, poètes, essayistes, romanciers africains dont la plupart sont inconnus des Africains eux-mêmes.
Quels écrivains avez-vous reçus ?
Mon premier invité était Gaston Kelman. J'ai aussi reçu Bilguissa Diallo, une jeune femme qui a une plume extraordinaire méconnue du public, puis Calixthe Beyala, Serge Bilé, la ministre malienne Aminata Traoré et d'autres... J'essaie de varier les sujets, voire les façons de penser pour inciter les Africains à découvrir leurs auteurs.
Qu'apportez-vous aux écrivains africains avec cette émission ?
Je leur donne plus de visibilité. Pourquoi les émissions littéraires, surtout en France, ne devraient-elles exister que sur les chaînes françaises qui, elles, ne leur donnent pas la parole ? Les écrivains africains comme les artistes doivent montrer leur savoir-faire. Il est temps ! Prenons l'exemple des Noirs aux Etats-Unis: ils ont leurs télévisions, leurs radios, leurs émissions, leurs journaux, leurs acteurs... Tout cela sans sombrer dans le communautarisme.
La chaîne MBOATV peut-elle conquérir les téléspectateurs à travers le monde ?
L'objectif de MSOATV n'est pas de conquérir des téléspectateurs mais de les fidéliser. Notre ligne éditoriale est éclectique, de la musique jusqu'au politique.
A l'heure de la télé-réalité, les émissions littéraires ont-elles leur place ?
Plus que jamais ! Regardez autour de vous, les gens ne sont pas plus friands de voyeurisme que de culture. Nous avons besoin de littérature et une émission comme "Le Baobab littéraire" est plus que nécessaire.
Vous préparez une thèse de science politique, principalement sur l'immigration. Pourquoi ?
Ce sujet m'intéresse. Le mouvement giratoire des peuples, la recherche d'une autre vie, le choix d'un autre pays... Ce cocktail mérite un coup de projecteur. Ma thèse porte sur les Peuls de Montargis, dans le Loiret. J'analyse la confrontation entre la tradition et les lois de la République.
L'immigration est-elle un phénomène positif ou négatif ?
Les deux ! Positif parce que les émigrés peuvent rebâtir le pays d'origine et participent à son développement. Combien d'immigrés aident leur pays au village dès qu'ils commencent à travailler, même au noir. Combien de familles africaines attendent le mandat toutes les fins de mois pour continuer à vivre ? Cependant, combien de vies brisées, de vies violées, de vies piégées par le mirage européen ? Combien de projets déchirés comme du papier et jetés à l'eau ? Combien de morts dans le détroit de Gibraltar, à Ceuta et à Melilla ? Et le dépeuplement du pays de départ est l'une des choses gravissimes que cause l'immigration. Combien de personnes souffrent ici à cause de la perte de leur culture, de leur langue, de leurs habitudes, de leurs racines ? MBAOTV aide à panser les plaies en faisant revivre leur culture aux Africains, en allant la puiser dans leurs pays d'origine respectifs. Nous cherchons des partenariats avec les télévisions locales africaines pour des échanges de programmes musicaux.
Etes-vous une afro optimiste ?
Afro optimiste bien sûr ! Sans pour autant chercher à me justifier.
Quel est votre vœu le plus cher ?
(Rires). J'en ai des centaines ! Voir MBOATV sur le satellite demain pour une Afrique qui s'exprime, qui s'affirme et qui montre sa culture. Voir les partenaires financiers nous solliciter sans tarder pour que MBOATV continue de faire vibrer les coeurs des Africains. Voir une Afrique debout, digne, sans immigration et sans mort dans les pirogues. Et enfin, vous retrouver vite sur MBOATV avec "Le baobab littéraire".
Propos recueillis
par Ahmed Touré
Contact: MBOATV - 95, rue des Grands Champs - 75020 Paris