Elle a 28 ans, elle est originaire du Sénégal et elle est arrivée en France il y a quelques années pour y poursuivre des études de Droit. En ce moment Yaram Dieye est doctorante à l'université Jean Moulin à Lyon. |
Mis à part cet ouvrage, en avez-vous écrit d'autres ?
Oui. La sortie du roman coïncide avec la publication d'une nouvelle qui s'intitule "Barça" ou "Barsakh" (Barcelone ou la mort) et qui s'intéresse à l'immigration clandestine. Je mets l'accent sur cette forme de passage des frontières qui consiste, pour des jeunes Africains, à braver la mer avec des embarcations de fortune.
Y a-t-il une suite à votre titre ?
A votre avis ? (Rires). Bien sûr. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, n'est-ce pas ? Mon héroïne avait perdu tout espoir de vivre une vie normale. Il lui a fallu se battre comme une forcenée pour reprendre sa vie en main. Ce roman est donc un message d'espoir qui s'adresse à tous ceux qui croient l'avoir perdu.
Faites-nous un bref résumé du livre ?
C'est l'histoire d'une jeune Sénégalaise de 18 ans qui vient d'avoir son bac et qui se laisse convaincre par un touriste français d'aller poursuivre ses études en France. Une fois en France, il va la séquestrer et la violer pendant des semaines jusqu'à ce qu'elle réussisse à s'enfuir. Malheureusement pour elle, son bourreau lui a laissé un souvenir. Elle tombera enceinte et voudra se faire avorter. Elle rencontrera beaucoup de difficultés avant de voir la lumière au bout du tunnel.
D'où vous est venue l'inspiration pour rédiger cette histoire ?
J'ai été inspirée par une jeune femme que j'ai rencontrée dans le métro lyonnais. Elle a été amenée à me raconter son histoire par le plus grand des hasards. Je lui ai demandé l'autorisation d'écrire son histoire. Elle me l'a accordée avec la promesse de faire en sorte que personne ne la reconnaisse. Je crois avoir tenu parole.
Ce Français qui promet monts et merveilles puis qui viole cette jeune africaine, était-il marié ?
Non. C'est d'ailleurs ce qui a facilité la séquestration. Il n'aurait pu le faire s'il avait été marié. On peut dire qu'il avait les coudées franches avec une jeune fille innocente dans tout les sens du terme.
Que pensez-vous des mariages mixtes ?
Je fais partie de celles qui croient que l'amour n'a pas de frontières. Seulement, dans certains mariages mixtes, on remarque souvent qu'une culture est sacrifiée au détriment de l'autre. Je trouve cela très dommage car, pour moi, mixité rime avec ouverture. C'est un mélange de couleur et de culture qui doit permettre de prendre ce qu'il y a de bien de chaque côté et d'en faire quelque chose de merveilleux.
Que pensez-vous de l'avortement ?
C'est un droit fondamental pour certains qui défendront bec et ongles son maintien dans la loi française. Pour d'autres en revanche, il s'agit d'une pratique inacceptable. En ce qui me concerne je crois qu'en toute chose on doit agir par rapport à ses convictions qu'elles soient culturelles, personnelles ou religieuses.
Dans votre roman, vous parlez aussi de femmes venant d'Afrique et qui se livrent à la prostitution. Pouvez-vous nous dire quelques mots à leur sujet ?
En effet, le roman raconte également l'histoire de jeunes femmes africaines qui s'adonnent à la prostitution. Certaines ont été contraintes de faire ce métier à cause d'un membre de leur famille qui les a livrées à des pédophiles alors qu'elles étaient encore mineures, et parfois sans repères. D'autres y sont tombées à cause du mythe de l'occident. En voulant coûte que coûte accéder à une aisance matérielle aux yeux de leurs familles, elles sont tombées dans un piège qui s'est refermé sur elles.
Avez-vous quelque chose à dire à ces femmes ?
Pour celles qui ont choisi ce métier en toute conscience, je n'ai pas grand-chose à leur dire si ce n'est de faire attention aux maladies sexuelles. Je m'intéresse surtout à toutes celles qui le font soit par nécessité soit par contrainte. Je voudrais leur dire qu'on a toujours le choix. Quant à celles qui sont sous la croupe d'un proxénète je leur demande de rassembler leur courage et d'aller voir la police. Elles sont des victimes avant tout et la Justice est là et ne demande qu'à les entendre.
A part l'écriture, quels sont vos autres centres d'intérêt ?
J'adore la lecture et je raffole de la littérature française. J'aime aussi la cuisine comme toute africaine qui se respecte (Rires). Je m'investis également dans la vie associative. Je milite contre l'isolement des personnes âgées, le viol des femmes dans les pays en guerre et l'enrôlement des enfants.
Avez-vous des projets ?
Eh bien, je suis juriste et même si je consacre beaucoup de temps à l'écriture, il ne s'agit pas d'un métier. C'est une passion, quelque chose qui fait partie de moi et qui, lorsque ça me prend me fait oublier tout le reste. Cela veut dire que je continue à écrire bien sûr mais je compte également faire mes preuves dans d'autres domaines notamment dans le monde professionnel.
Avez-vous un message ?
Pour les lectrices d'Afrique noire, je voudrais leur dire que l'herbe n'est pas toujours verte de l'autre côté. Nous devons croire en nous et surtout en ce continent berceau de l'Humanité et riche de tous les trésors.
Propos recueillis
par Soumaya Doukali