Grâce à une subvention du ministère des Affaires étrangères du Canada, la poétesse et nouvelliste Marie-Léontine Tsibinda a eu le plaisir et la joie de prendre part à la sixième édition du Festival Afrique en Création dirigé par Mme Lucie Nemeckova, qui s'est tenu du 4 au 11 mars à Prague en République tchèque. Le thème de cette rencontre, "Nous sommes tous des Africains", était dédié à Sony Labou Tansi, romancier et dramaturge congolais disparu en 1995 à Brazzaville. Marie-Léontine Tsibinda y était invitée en tant que membre fondatrice et comédienne du Rocado Zulu Théâtre que Sony a dirigé jusqu'à sa mort. Elle répond ici aux questions d'AMINA. |
Cette manifestation s'est-elle déroulée seulement à Prague ?
Le festival ne s'est pas arrêté à Prague. Il s'est
étendu dans d'autres villes comme Brno, Liberec, Hradec Králové,
dans les instituts français de la République tchèque et
les facultés où la littérature africaine est
mise en exergue, notamment les études sur la création
littéraire de Sony. Nous, Caya Makhélé des Éditions
Acoria, Monique Blin des Écritures Vagabondes et moi-même, avons
évoqué la vie familiale et artistique de Sony, son
écriture fantastique et puissante qui a bousculé la langue
française et l'écriture au Congo et ailleurs dans le monde.
Il est vrai que le français a été la langue de
prédilection de Sony, mais les habitants de la Tchéquie ont eu le
privilège de lire Sony dans leur langue : Antoine m'a vendu son destin,
pièce de théâtre qui a eu du succès en son temps,
est traduite en tchèque et je suis sûre que d'autres traductions
suivront. Les élèves et étudiants rencontrés ainsi
que les amoureux de la littérature africaine venus aux
conférences ont eu la joie de découvrir Sony dans sa dimension la
plus naturelle : Sony, l'homme qui criait les inégalités des
peuples, disait la richesse de la diversité des hommes et aimait
travailler cette différence pour un monde plus beau.
Quels ont été vos rapports avec Sony Labou Tansi ?
Sony était une personne que l'on ne pouvait pas juste enfermer dans un cadre. Il était généreux, amical, ouvert. Il m'a permis de rêver. Grâce à lui, les comédiens du Rocado, dont moi-même, avions compris que l'avenir était dans nos rêves, notre imagination et donc que tout était possible : voyager, créer, rire avec ses amis, partager un morceau de manioc ou de poulet grillé dans les rues de Brazzaville malgré l'expertise révolutionnaire qui voulait que les Congolais vivent comme Lénine, Mao ou Marx, alors que nos réalités étaient totalement différentes.
Vous êtes membre de l'Association des auteurs et auteures de l'Outaouais, une région du Québec. Qu'est-ce que cela représente pour vous ?
Je vis actuellement au Canada et suis heureuse de faire partie de cette association. Les combats sont les mêmes : faire valoir sa culture à travers tous les arts. La littérature demeure un des moyens les plus sûr pour partager ses expériences avec les autres peuples. L'association est soutenue par le Conseil des arts, la ville de Gatineau et bien d'autres institutions. Être membre de cette association me dit que la culture est l'endroit où les rêves les plus fous pour un monde uni sont possibles.
Avez-vous eu des contacts avec des Africains de Prague ?
Le monde est petit, dit le dicton. J'ai en effet rencontré des Africains de plusieurs origines et qui s'intègrent parfaitement dans la société tchèque. Ils parlent la langue, c'est déjà un atout. Ils vont à l'université, fondent des familles et participent à la vie culturelle et artistique de Prague. Le festival "Nous sommes tous des Africains" est un lieu de rencontres inépuisables en amitié et en création.
Comment se porte la francophonie dans un pays comme le Canada ?
Le Canada, grâce à la province du Québec, est membre à part entière de l'espace francophone. En 2001, il a accueilli un des sommets de la francophonie. C'est un défi dans cette Amérique où l'anglais demeure la langue de communication, de commerce et de culture par excellence.
Où en est votre œuvre littéraire ?
Elle se porte bien. Ma nouvelle, "Les pagnes mouillés", vient d'être traduite en anglais par une étudiante de la professeure Florence Martin, de Goucher College aux États-Unis, à Baltimore; les éditions Acoria aimeraient la publier. La revue Francophonia, en Italie, a lancé sur le marché du livre un collectif de textes dont le mien, "Silence à Tonga Tonga". La NEF, dans son édition d'automne 2006, a recueilli mes propos par l'intermédiaire de la professeure Karen Bouwer de San Francisco. Ce sont des petits pas qui me donnent le courage de toujours continuer.
Propos recueillis
par Joseph Makélé