Elisabeth DELAYGUE CHEYSSIAL
    Click here for English translation

    Elisabeth Delaygue (qui écrit aussi sous le nom d'Elizabeth Seenivasa Pillai) est née en France en 1958. Après des études d'arts plastiques, elle travaille à Abidjan en tant qu'institutrice puis comme décoratrice. Au terme de son séjour en Afrique de l'Ouest, elle s'établit en 1985 aux Comores, sur l'île de Mayotte. Elle y exerce le métier de journaliste, devient correspondante de l'A.F.P. et dirige le Magazine JANA NA LEO (1991). Elle s'établit ensuite à l'île de La Réunion où elle est chargée d'études d'aménagement du territoire. (Quatrième de couverture de ses ouvrages et site "Le manuscrit").
    « Quel est votre parcours ? Celui, atypique, d'une voyageuse qui ne parcourt pas seulement des contrées, mais aussi des métiers. J'en ai exercé plusieurs, partant du journalisme, mais tous ont cependant un lien avec la communication, la rencontre, l'écoute. Aujourd'hui, je suis chargée d'études pour l'aménagement du territoire à la Réunion, une île où la croissance démographique, les dénivelés fabuleux, le climat, les cyclones, opposent à cet exercice difficile des contraintes particulièrement dures... Par ailleurs, j'exerce aussi en tant que réflexologue et naturopathe, une médecine douce où le "Toucher" peut prévenir beaucoup des maux de notre humanité stressée... L'écriture est depuis longtemps mon plaisir et fait le lien entre toutes ces activités. » (interview Le Manuscrit, octobre 2005).

    Ouvrages publiés


    Mestizo. Paris: Présence Africaine, 1986. (144p.). ISBN 2-7087-0466-4. Roman.






    Je voyais passer mon père dans la buick blanche, conduite du bout des doigts par un chauffeur hilare qui semblait raconter de bonnes blagues en dodelinant de sa tête couturée. A en croire la boursouflure sur sa joue gauche, il appartenait à l'ethnie de ma mère, et j'avais alors l'espoir de devenir chauffeur, un jour, à mon tour. L'être haïssable confortablement installé à l'arrière du véhicule, je l'écraserai plus tard. J'avais en effet à ce moment un cœur de parricide. Je voulais tuer mon père au détour d'un virage, sur une des pistes poussiéreuses qui salissaient en ce temps-là la première buick d'Afrique Occidentale...
    Je jouais devant le « palais », pataugeant dans la boue. Derrière les arcades blanches, l'administration française pataugeait, elle, dans les paperasses, apposant le sceau de sa puissance, baveux de bourbon glacé et de bêtise obstinée. La bêtise m'était encore imprécise. Je me contentais de haïr, tout gonflé des propos de ma mère, ou encore des explications ténébreuses de ma grand-mère.
    1912. J'avais quarorze ans... Dakar, Saint-Louis...



    « A présent que je vis de souvenirs, que je suis un vieil impotent à la cornée durcie, dont le regard mort se tourne vers ce passé de misère, vers mon enfance, je me demande quelle sagesse m'a apportée la longue existence qui fut la mienne? ». C'est en ces termes que Richard N'Diaye Jefferson déroule le fil de sa mémoire. Il se définit lui-même comme un Anglo-Jamaïcain, né en 1898 à Saint-Louis du Sénégal d'un père écossais. Si son père était un aventurier venu chercher et faire fortune en Afrique, l'aventure à laquelle nous convie N'Diaye Jefferson est celle de l'abolition mentale et concrètement réalisable de frontières artificielles que les hommes érigent entre eux pour se prémunir contre l'« impureté » raciale. Dès lors, le récit entremêle ici des réseaux à la fois politiques, familiaux, ethniques et l'on atteint ce no man's land où existent des possibilités d'échanges multiples. Blaise N'Diaye croise Martin Luther King ... Si bien que « bâtard, sans couleur, sans race, sans devenir », Jefferson peut se dire au bout du chemin, avec une certaine sérénité : « la nuit n'est plus un mystère ». En fin de compte, la nuit, comme moment de l'ultime enchantement, de l'ultime conciliation des contraires (l'Europe et l'Afrique réunies), n'est-ce pas cette forme de sagesse, quête inachevée de la longue existence de Jefferson, notre semblable ?

    D'Amour et d'Afrique. Mayotte: Kashi Kasi, 1991. (130p.). Nouvelles.





    DOMENJOD

    J'ai déménagé parce qu'Adèle n'est pas revenue d'un voyage — pourtant professionnel — à New-York.
    Comme elle avait été mariée très jeune à un journaliste métropolitain, elle avait vécu quelques temps à Paris, mais à New-York jamais.
    Les Etats-Unis devaient bien lui aller; elle est du sang dont on a fait les Américains : un mélange fortifiant qui donne aux filles une haute taille, des muscles toniques et longs, une chevelure incroyablement souple, soyeuse, cascadante...
    Ou peut-être bien que je rêve le rêve californien, tout-à-fait à l'autre bout de la Terre, idolâtre, en regardant passer les métisses de Saint-Denis aux différences captivantes !
    En elles je dénote le pays de leurs respectives grand-mères, que je vois hurlantes sous les bombes d'Haïphong, ou bien immergées divinement dans les eaux du Gange, voiles mouillés, révélant l'ampleur de leurs attraits dans le fleuve qui charrie autant de cendres que d'alluvions... Soit splendeurs d'Afrique, infiniment royales, sous la charge des ballots étagés au sommet de silhouettes si merveilleusement fessues.
    O femmes magnifiques, comment puis-je regretter Adèle alors que je pourrais encore vous rencontrer ?



    Quatre nouvelles : "Domenjod" (pp. 3-8), "Petite Zakia", (pp. 9-18), "Liens de sable" (pp. 19-49) et "Saudi" (pp. 50-127 — récit romanesque s'appuyant sur une trame historique, voir Jean Martin, "Comores, quatre îles entre pirates et planteurs").

    ***

    « Comme tant d'autres, mais sans compromission, Elisabeth Delaygue Cheyssial fixe son regard bleu sur le quotidien de peuples issus de l'immense Afrique. Elle parle, écrit, raconte des îles qui ont puisé leurs cultures en ce continent des origines, des îles où s'emmêlent amours, détresses, espoirs.
    Finesse de l'expression, recherche de l'image et de la formule, le narrateur s'envole mais le récit nous ramène à la réalité de ces "maisons qui ne dépassent pas la mesure raisonnable d'un cocotier". Image et formule.
    De "Mestizo" (aux Editions Présence Africaine) qui l'a révélée en 1986, à "D'amour et d'Afrique", Elisabeth Delaygue Cheyssial n'a cessé de nous entraîner sur le chemin du métissage, ce maillon incontournable de l'Humanité de demain, en une promenade complice dans des lieux où l'imaginaire rejoint un présent lové à notre porte.
    "D'amour et d'Afrique" c'est Mayotte avec "Saudi" et "Petite Zakia", c'est la Réunion et le quartier "Domenjod", mais c'est aussi Anta, la jeune Cap-Verdienne de "Liens de sable" ... »
    Bernard I. Régis (journaliste) (Quatrième de Couverture)

    Sous le nom d'Elizabeth Seenivasa Pillai: Pendant la guerre. Le Manuscrit (n.d.).

    Pour en savoir plus

    Audrey Cluzel. Une interview d'Elisabeth Seenivasa-Pillai Le Manuscrit, octobre 2005. [Archives jmv 2007 - pdf file - 2.0MB][Consulté le 27 février 2007].


    [Retour à la page d'accueil] | [Retour à la liste générale des auteurs]

    Editor ([email protected])
    The University of Western Australia/French
    Created: 28 November 2004
    Modified: 27 February 2007
    Archived: 21 December 2012
    https://aflit.arts.uwa.edu.au/DelaygueElisabeth.html