Sangoulé l'engagé volontaire Extrait d'un roman inédit de Simone Kaya 2007 |
Le propre de la jeunesse étant de désirer avec ardeur de quitter un lieu pour un autre, Sangoulé fut satisfait d'entreprendre le déplacement.
Il devint soldat 2ème classe dans un bataillon de tirailleurs à Ségou, ville du Soudan, colonie française. Des découvertes s'offrirent au jeune homme.
Le métier de soldat a la caractéristique de fondre un individu dans un ensemble d'hommes uniformisé par le vêtement et le maniement des armes. Pour le tirailleur Sénégalais, l'uniforme était kaki-jaunâtre. On s'accommodait de la toile du pantalon et de la chemise en coton. Il fallait porter la capote sur les épaules. La couverture ou la cape roulée et attachée au sac à dos le jour pour marcher; on s'y enroulait la nuit pour le repos nocturne. C'était une laine sèche et piquante que supportaient néanmoins les peaux habituées à la chaleur torride des fins de saison sèche et à la fraîcheur des nuits pluvieuses comme au vent froid de l'harmattan de Janvier.
A ce kaki sinistre pour le regard des mères, le rouge de la chéchia et quelques boutons dorés, les bandes moletières et des chaussures à brodequin faisaient croire aux jeunes gens qu'ils étaient beaux et irrésistibles.
Sangoulé se sentit un homme avec son pantalon des grands jours, le premier qu'il portait. La chemise et tout l'attirail le gonflaient d'une nouvelle force. Cette sensation de vigueur lui était communiquée aussi par la vue de ses camarades en uniforme comme lui.
La trompette sonnait le rassemblement autour du drapeau tricolore bleu, blanc, rouge; sous les beuglements de l'adjudant ou du sergent, on imposait la discipline aux nouveaux recrus. Effrayé d'abord, on s'habituait assez vite aux cris de : "garde à vous, repos, marche, une deux... en cadence et régulier..." Cela crée un type d'homme unique, le soldat Africain, le tirailleur Sénégalais de la coloniale. "C'est nous les Africains qui revenons de loin, nous venons des colonies pour défendre le pays", fut leur chant.
Sangoulé se plia facilement à ce moule. L'engagé volontaire Sangoulé devint soldat de métier. Frère de tous ceux qui portaient l'uniforme kaki, il respectait ceux qui étaient élevés dans la hiérarchie militaire.
Quand Léonon apprit l'engagement du jeune Sangoulé, il se remémora sa naissance et les prédictions des devins.
"Sangoulé marcherait seul loin des siens. Il rencontrerait beaucoup d'hommes et guiderait un grand nombre dans de nombreuses contrées..."
Le vieux chasseur prit avec lui un frère d'âge de Landolo son équipier de la nuit secrète. Ils allèrent demander au chef de Dianra de faire des sacrifices et d'implorer les Esprits protecteurs du clan afin que Sangoulé revienne un jour parmi les siens à Dianra.
© Simone Kaya