Chantal UMUTESI Click here for English translation |
Chantal Umutesi est née en 1973 dans une petite ville de la
préfecture de Butare, au Rwanda. Sa mère était
maîtresse d'école et son père agriculteur et
commerçant : « Papa faisait commerce de tout, exploitait le
café ... et cultivait toutes sortes de choses », dit-elle dans son
autobiographie. Agée de vingt ans, elle tombe enceinte, mais la guerre
civile de 1994 éclate avant la naissance de son bébé. La
disparition de son ami, puis la nécessité de fuir la maison
familiale peu après la naissance de sa fille Lilly, marquent le début de quatre années d'errance,
d'extrêmes privations et de souffrances inhumaines ponctuées d'atrocités au
cours desquelles toute sa famille est massacrée, y compris sa petite
fille âgée de deux ans. Marquée à tout jamais par
l'ampleur de la tragédie, elle se réfugie enfin au Congo
où elle trouve du travail dans une exploitation forestière. C'est
là qu'elle rencontre un Français qu'elle épouse et suit en
France, à Saint-Malo, où elle habite aujourd'hui (2005). (La Paix dans l'âme)
Ouvrage publié
La Paix dans l'âme. Paris: Klanba Editions, 2004. (114p.). ISBN 2-915494-05-3. Autobiographie.
[Préface de Kwamé N'goran].
PAPA Mon père est né en 1946, après la deuxième guerre mondiale, en pleine « Rudzagayura : la grande famine », dans un petit village de Nkakwa, tout près de la frontière Burundaise. Son père, fils unique, avait épousé trois femmes. Chez nous un homme pouvait avoir plusieurs femmes, s'il avait les moyens de subvenir à leurs besoins. Mon grand-père avait hérité de ses parents qui possédaient beaucoup de biens. Mon père, je ne peux vraiment pas dire de quelle origine il était : Hutu ou Tutsi ? La mère de mon père avait deux sœurs et trois frères, et nous ne les avons jamais connus. Quelques jours avant la naissance de mon papa, son père s'était fait coupé la jambe droite à cause d'un vieux clou qui l'avait blessé au pied, alors qu'il mesurait les parcelles de champs de café. Il rebaptisa son fils Mulindabyuma, ce qui signifie : qu'il soit protégé des objets métalliques. Papa a grandi avec ses quatre frère, et ses deux sœurs. Il était le quatrième de sa mère; une femme très forte. Elle était la première épouse de grand-père. Sa rivale, la seconde femme de grand-père, avait eu onze enfants, la troisième six. Je n'ai jamais réussi à savoir le nombre exact de mes tantes et oncles, mais je me rappelle que l'on était soixante-treize petits enfants. |
« Des coups de feu. J'ai entendu des coups de feu. Ce sont des coups de fusil qui
nous ont fait fuir de la maison. Pendant neuf mois dans la forêt au cours
de notre fuite, j'ai entendu, et encore, et encore des coups de feu, alors que
depuis 1998, quand j'entends parler de la guerre du Rwanda baptisée
génocide, j'entends dire que tout ceci s'est fait à la machette.
J'ai entendu tellement d'autres choses... Suis-je hutu ? Suis-je tutsi ? Je suis tout cela de mon père et de ma mère. Qui a tué qui ? Qui a massacré qui au Rwanda ? Qu'ai-je fait ? Ma fille de deux ans et demi qui fut une des premières victimes de cette ineptie humaine, était-elle hutu ou tutsi ? Qu'a-t-elle fait, à qui ? Qu'ai-je fait ? Que n'ai-je pas fait ? Aujourd'hui, dans ma bouche, il n'y a que des questions. Peut-on vivre qu'avec ça, qu'avec des questions ? Sans attendre de solution, quand on a perdu père, mère, frère et enfant, tout cela à dix-neuf ans, on peut au moins espérer une réponse. Sinon, on se sent dépourvu de tout, on se sent rien. La paix dans l'âme, un récit simple qui ne cherche pas à émouvoir le lecteur, ni à le convaincre. Les faits, tous les faits demeurent une énigme pour le Rwandais. » (Quatrième de couverture) |
Editor ([email protected])
The University of Western Australia/French
Created: 28 February 2005
Archived: 21 December 2012
https://aflit.arts.uwa.edu.au/UmutesiChantal.html