L'AFRIQUE ECRITE AU FEMININ Notes de lecture |
Recensions proposées dans divers blogs, sur la toile et partout où la lecture est au rendez-vous de l'écriture du monde africain |
Note de lecture de Liss Kihindou proposée sur son blog "Liss dans la vallée des livres", 2011
Aurore Costa a commencé en 2007 une saga intitulée Nika l'Africaine. Dans le premier volume, on fait connaissance avec la toute jeune fille qu'est alors Nika, mariée à 13 ans à un polygame dont elle a une fille, Kinia, alors qu'elle-même est encore adolescente. Elle est ensuite initiée à la sorcellerie, celle qui consiste à avoir des dons supplémentaires pour pouvoir soigner, prévenir les dangers, protéger les siens. Le deuxième volume, Perles de verre et cauris brisés, se concentre sur Kinia, au moment où les Blancs, après avoir découvert les territoires africains, s'installent sur le continent pour implanter leurs colonies. Les Blancs se disent supérieurs, ils sont les plus forts puisqu'ils ont des armes puissantes et imposent leur loi. Les Africains, malgré des résistances individuelles, sont obligés de se conformer aux décisions du Blanc, perçu souvent, à cause de sa couleur, comme quelqu'un venant de l'au-delà. Ils sont superstitieux et ce qui ne fait aucun doute dans leur esprit, c'est que la "sorcellerie" du Blanc semble plus puissante puisque, avec ses "bâtons qui tuent", il peut ôter la vie en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.
Point n'est besoin d'ajouter que les unions entre ces populations bien distinctes sont prohibées des deux côtés. Alors, lorsque Kinia, la fille de Nika, tombe enceinte de Manuel, un des chefs blancs de la colonie, avec lequel elle vit en cachette une histoire d'amour, c'est la catastrophe pour Nika. Ses enfants, ni blancs ni noirs, sont considérés comme bizarres et ils ne peuvent être acceptés dans la communauté. Kinia vit donc retranchée dans la forêt avec ses deux filles. Sa mère Nika va la voir et la ravitailler quotidiennement.
Cependant, un jour, alors qu'elle se rend auprès de sa fille, Nika ne sait pas qu'elle échappe ainsi au massacre de son village. Ainsi se termine le deuxième volume et c'est là que commence le troisième, portant le titre Les larmes de cristal. Kinia, qui s'était éloignée de sa cachette malgré les recommandations de sa mère, se heurte à ceux qui ont mis le village à feu et à sang et elle est tuée. On imagine donc la douleur de Nika, qui perd d'un seul coup non seulement sa fille, mais aussi les enfants qu'elle a eu de son second mariage, un mariage d'amour cette fois, avec Maka, un "bon"sorcier comme elle. Il ne lui reste comme famille que les deux filles de Kinia, Manola et Luzolo. Mais Manuel, qui sait que Kinia, cette noire qu'il aimait éperdument malgré le fait qu'il soit marié à Carmen, lui a laissé deux enfants, veut les récupérer et leur donner une éducation à l'occidentale, comme il l'aurait fait pour des enfants légitimes. La grand-mère ne l'entend pas de cette oreille. Au moment où Manuel se prépare à se saisir d'elles, Nika transforme les petites et se transforme elle-même en chouette et elles prennent leur envol.
Dans ce troisième volume de Nika l'Africaine, c'est donc à sorte de une course poursuite qu'on assiste. Nika se retire dans la forêt profonde, où tous craignent de pénétrer par crainte de ne jamais pouvoir en ressortir, et elle a la chance de rencontrer des pygmées qui la protectège. Manuel, de son côté, met tout en œuvre pour les retrouver. Mais à quel prix?
Ce que j'aime dans cette saga, ce n'est pas l'écriture: l'histoire est racontée en toute simplicité, mais c'est le projet de l'auteur que je trouve louable et qui a retenu mon intérêt. A travers le personnage de Nika, c'est l'histoire de l'Afrique qu'Aurore Costa entreprend de raconter. Elle montre l'évolution progressive des mœurs africaines avec l'arrivée des Blancs. Elle évoque également la vie de ces derniers en colonie. Ceux qui débarquent en Afrique sont souvent des gens qui viennent se faire "oublier" après avoir commis des actes qui les mettent en butte à la justice de leur pays. Ils vivent en vase clos. Pour se distraire, ils organisent fréquemment des rencontres, des soirées qui sont autant d'occasions de nouer des flirts. On a l'impression que tout le monde sort ou est sorti avec tout le monde ou, du moins, que les infidélités sont monnaie courante même si, le dimanche, et surtout devant les indigènes noirs, on joue les saints. Cet aspect de la vie des Blancs en colonie ou en territoires africains a été admirablement peint dans le dernier roman de Louis-Philippe Dalembert, Noires Blessures. J'apprécie également la détermination de l'auteure, elle est à fond dans son projet: que les lecteurs soient ou ne soient pas encore au rendez-vous, qu'on parle d'elle ou pas dans la presse, ce qui lui importe, c'est d'aller au bout de son récit, c'est-à-dire d'en publier les quatre volumes. On sent qu'elle prend du plaisir à raconter cette histoire d'une Africaine qui voit avec regret sa société changer au contact des Blancs.
Liss 17 juillet 2011
https://lissdanslavalleedeslivres.blogspot.com
Pour en savoir plus sur les précédents volumes ou sur l'auteur, vous pourvez lire:
Ma critique du premier volume sur congopage
L' interview que l'auteure m'avait accordée après la publication du premier tome
Ma critique du deuxième volume
D'autres notes de lecture Lire les femmes et les littératures africaines [email protected] Novembre 2011 https://aflit.arts.uwa.edu.au/costa_liss_11.html |
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