Les bêtises de Napoléon Gisèle Hountondji
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Nous ne sommes pas obligés de suivre Napoléon dans ses
bêtises, ni la France dans ses sottises. D'ailleurs Napoléon
n'était pas Français, il était Corse. Et en Corse bon
teint, son code, si j'ai bonne mémoire, ne permettait pas aux femmes
d'exercer un métier: elles devaient demander d'abord l'autorisation de
leur mari. Elles n'avaient pas le droit de vote et elles ne pouvaient pas avoir
un compte-chèque sans l'autorisation de leur mari.
C'est bien loin derrière nous tout cela, mais pas si loin que ça
car nulle part sur nos extraits d'Acte de Naissance il n'est mentionné
la profession de notre mère (quand profession elle a). Pourquoi?
La question m'est venue à l'esprit d'autant plus qu'il est
mentionné pour profession du Père: « Ecrivain RBN »!
Sachant ce que c'est qu'un écrivain, mon sang n'a fait qu'un tour dans
ma poitrine. Une mère sans profession et un père
écrivain... avec enfant? Renseignements pris, cette mère avait
bien une profession et en fait d'écrivain, le père du fameux
« Acte de Naissance » n'était qu'un commis aux
écritures dans l'administration des chemins de fer. Voilà qui
était plus rassurant. Mais fallait-il cacher la profession de la
mère et pourquoi continuer à le faire aujourd'hui comme s'il
s'agissait d'une quantité négligeable, d'un fait qui ne
mérite pas attention?
Depuis longtemps, bien des femmes ont compris que « leur premier mari,
c'est leur métier. » Autrement dit, femme qui n'a pas de
métier n'a pas de mari. A la place, elle aura un dictateur inconscient
et impénitent, c'est naturel! Toutes celles qui n'avaient pas compris
cela avant leur mariage le regrettent amèrement aujourd'hui.
D'ailleurs, « le travail libère l'homme » mais surtout la femme; il est
source de satisfaction morale, facteur d'épanouissement, etc... sinon
comment expliquer que les épouses de nos chefs et autres milliardaires
dits tranquilles travaillent?
Nous femmes, devons cet heureux retournement de situation à la
deuxième guerre mondiale, où les femmes travaillant dans les
usines ont su montrer ce dont elles étaient capables,
c'est-à-dire gagner autant sinon plus d'argent que les hommes en
exerçant un métier.
Grâce aux suffragettes en Angleterre, nous avons pu obtenir le droit de
vote et grâce au Mlf des années 70 en France, nous avons eu le
droit de disposer librement de notre corps en décidant ou non d'aller
à la maternité.
La combativité des unes profite toujours à la passivité
des autres. Les autres, c'est la majorité silencieuse des africaines
qui, terriblement conditionnées, n'ont même pas encore pris
conscience de leur situation de femmes dominées.
Après les élections présidentielles de mars 2001, diverses
émissions-radio avaient été organisées pour en
commenter les résultats. A propos de l'unique femme candidate, d'autres
femmes déclaraient de façon péremptoire: « Tant que
celle-là ne sera pas sous le toit d'un homme, elle n'aura aucune
chance... Personne ne votera pour elle ». Et une lycéenne
d'ajouter: « De toutes les façons, si vous votez pour elle, elle
utilisera tout l'argent du pays pour faire la toilette avec ... ». C'est
dire à quel point les femmes béninoises sont encore
conditionnées. Je trouve cela désespérant, car cette brave
femme qui a osé se présenter n'a vraiment pas besoin d'un homme
pour manger, boire et dormir en paix. Au contraire! C'est le moins qu'on
exigerait d'elle pour lui accorder un vote.
Autrefois, il a fallu se battre pour avoir accès à un emploi
rémunéré et aujourd'hui, il faut encore se battre car le
chômage endémique n'est pas pour arranger les choses.
A compétence égale, on préfère encore prendre les
hommes; devant leur gros ventre et leur grosse cravate, une jeune fille n'a
aucune chance.
Pour une émancipation réelle, l'exercice d'un emploi bien
rémunéré devient plus que jamais un Must. C'est la
condition sine qua non à toute libération. Alors, pourquoi ne pas
en faire mention dans l'Extrait d'Acte de Naissance béninois?
Qu'est-ce que ça changerait, me demanderiez-vous... peut-être pas
grand chose. Mais une chose est sûre: parmi les nombreuses injustices
faites aux femmes, ce serait au moins une injustice en moins.
Publié dans La Nouvelle Tribune (Cotonou) No 118, 8 mai 2002, p.2. Inclus sur ce site avec l'autorisation de l'auteur. |
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Created: 19-Dec-2007.
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