Si le Ccf n'existait pas... Gisèle Hountondji
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Oui. Vous avez bien lu Ccf: Centre Culturel Français. Eh bien si le Ccf
n'existait pas, il n'aurait pas fallu l'inventer. Ainsi les Béninois se
serviraient de leurs méninges paresseuses pour comprendre, comprendre
que si ce Centre n'existait pas, aucun artiste béninois ne serait connu
du public. Les Hazoumè, Zinkpè, Ahounou et autres seraient tous
devenus transitaires ou conducteurs de Zem, faute de pouvoir valablement
exprimer leurs talents. Aucun écrivain digne de ce nom ne serait
porté à la connaissance des 30% de lettrés que compte le
pays. Et pour cause, quand on parle de livres, seuls les Français sont
intéressés. Seuls, ils ont véritablement du temps de
loisirs et du pouvoir d'achat pour lire quelque chose qui est écrit dans
la langue de leur père et dans la langue de leur mère. Ce qui est
loin d'être le cas des Béninois.
C'est la raison pour laquelle, quand on veut lancer un livre, on se
précipite volontiers à l'auditorium du Ccf pour parfois se voir
fermer la porte au nez, car, par la force des choses, l'auditorium est devenu
un espace trop précieux, la demande dépassant largement l'offre.
Les Français, fidèles à leur réputation de gens
propres, organisés et ponctuels, savent par ailleurs bien entretenir
leur patrimoine. Jetez un coup d'œil à leurs toilettes ... Les
robinets brillent, les cuvettes aussi, et il y a toujours de l'eau, du savon et
une serviette propre pour s'essuyer. Rien à voir avec celles du Conseil
National des Chargeurs du Bénin (Cncb) par exemple. Jetez encore un
coup d'œil à la verdure dont le théâtre porte le nom.
C'est des fleurs toujours bien taillées, du gazon qui attire le regard,
et des poubelles disposées de telle façon que même des
cochons les reconnaîtraient. C'est qu'ici, le personnel, payé
à sa juste valeur, n'a pas d'autre préoccupation que le travail
pour lequel il est embauché. D'ailleurs il se bat, bec et ongles, pour
sauvegarder jalousement son emploi au Ccf car ailleurs, entre les mains de
patrons béninois, les choses se passent différemment. Le Ccf est
donc si propre, si organisé, que tout le monde veut s'y rendre. Qui pour
une conférence de presse, qui pour une projection de film, le cadre y
est toujours agréable et propice. Le théâtre de verdure initialement
destiné à accueillir la représentation de pièces
d'auteurs français, genre Britannicus, Andromaque ou Phèdre est
littéralement envahi par des groupes de musiciens béninois. Sans
honte, sans vergogne. Lors des différents Fitheb, quand le spectacle
n'est pas programmé au Ccf, le public « chic » ne fait pas
le déplacement. On s'en est aperçu. Des Ministres y
défilaient même en décembre, voir le Père Noël
sous le manteau d'André Mimoune. Sans honte et sans vergogne. Ne
parlons pas de la bibliothèque; elle est constamment assaillie par les
nègres et leurs négrillons ... à la recherche de culture
française ... ou à la promotion d'une langue française
à enseigner dans les écoles, et à faire rayonner dans le
reste du monde. Ici, les adeptes sont nombreux. Et les Français ne sont
pas bêtes. Pendant qu'ils s'évertuent à promouvoir et
à faire rayonner leur langue dans une Afrique dite
décolonisée, les nègres, eux, s'emploient à enterrer
la leur.
Ils sont nombreux, ces assoiffés de culture française, qui ont
fait du Ccf leur 2ème maison, et pour certains leur 2ème bureau.
Il paraît que là-bas, on travaille dans une salle
climatisée dont les frais d'électricité sont payés
par la France! Alors comprenez l'engouement des Béninois pour la chose
gratuite ... dont ils ne perçoivent même pas le piège.
Quand comprendront-ils qu'il leur faut une bibliothèque digne de ce nom
à Cotonou et dans Cotonou ? Ne serait-ce que pour désengorger le
Ccf. Certes la Médiathèque des Diasporas propose une pâle
alternative. Mais cette initiative de Camille Amouro ne semble pas
émouvoir le Mc qui répond toujours absent là où on
l'attend le plus. Pas de téléphone, pas de climatisation et pas
de technique de conservation pour les quelques volumes de livres
exposés. Allez donc au Ministère de la Culture et essayez
d'obtenir l'adresse d'un artiste pris au hasard. On vous répondra,
après vous avoir fait tourner en bourrique: « Revenez demain, le
Directeur artistique est en réunion. ». Si vous prenez votre
courage à deux mains et que vous revenez le lendemain, on vous
répondra: « Il est en mission ». Quand sera-t-il de retour ?
Personne ne sera en mesure de vous le dire. S'il s'agit d'un projet important,
un voyage d'études par exemple, et que vous persistez et retournez plus
tard, on pourrait vous dire: « Il est en congé ». C'est
qu'ici, il n'existe même pas de répertoire national avec les noms,
prénoms, adresses et lieux d'exercice des différents artistes, un
répertoire correct, régulièrement mis à jour, et
susceptible d'être consulté n'importe quand par n'importe qui. Le
Ministre Paulin Hountondji, en son temps, en avait fait une ébauche
certainement négligée par son successeur pour des raisons de
paresse. Sans honte et sans vergogne. Pendant combien de temps faudra-t-il que
le Ccf supplée aux carences du Ministère Béninois de la
Culture ?
Publié dans La Nouvelle Tribune (Cotonou) No 202, 3 octobre 2002, p.2. Inclus sur ce site avec l'autorisation de l'auteur. |
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