D'Orphée à Prométhée: La poésie africaine au féminin
      https://www.arts.uwa.edu.au/AFLIT/Bassole.html
      © Angèle Bassolé Ouédraogo


      TABLE DES MATIERES
      DE L'ARTICLE

      1. Présentation

      2. M'Baye d'Erneville

      3. Kiné Kirama Fall

      4. Coumba Mbengué Diakhaté

      5. Tanella Boni

      6. Véronique Tadjo

      7. Bernadette Sanou

      8. Pierrette Kanzié

      9. Pour conclure

      2. ANNETTE M'BAYE D'ERNEVILLE

      C'est du Sénégal que sont parties les premières notes de cette partition féminine qui allait bouleverser le choeur du chant africain. Celle qui la première tente le pari est une institutrice du nom d'Annette M'Baye d'Erneville (du nom de sa ville natale). À Paris, elle publie un petit recueil de 20 pages, Poèmes africains,[1] en 1965. L'Afrique indépendante n'a que 5 ans alors que sa littérature approchait déjà le demi - siècle. 50 ans pendant lesquels presqu'aucune voix de femme ne s'était fait entendre.

      Ces Poèmes africains de même que Kaddu [2](paroles) ont le ton nostalgique de la mère Afrique, de ses traditions, de ses tabous, mais portent aussi l'euphorie des indépendances nouvellement acquises :

        Que ne suis-je Diali
        Maître de la Kora!
        Que ne suis-je diseur
        Gardien des mots magiques!

        Les femmes se serrent les reins, et, de leurs lourds pilons,
        Rythment la marche sûre du pays qui se lève.

        Tama, Gorong, Dioudioung
        Disent aux quatre vents
        Que l'Afrique est debout
        Et va vers la lumière. (Indépendance , Poèmes africains, Kaddu, n.p.)

      L'euphorie suscitée par cette Afrique debout n'efface pas pour autant les traces des rituels qui se perpétuent :

        Tu es homme, ce soir!
        Tu es homme, mon fils!
          Par ta chair meurtrie
          Par ton sang versé
          Par ton regard froid
          Par ta cuisse immobile.
        Tu es homme, mon fils!
          Par la lame tranchante
          Par ton sexe éprouvé
          Par ta peur refoulée
          Par la terre de tes Ancêtres (Kassacks , chant de circoncision, op. cit.)

      La mort, tel un rapace plane sur cette Afrique du passé qui se tourne vers un avenir incertain mais fait d'espoirs, de trop d'espoirs. L'Afrique nouvelle offrira-t-elle la vie ou le désespoir et la mort?

        Ce soir-là ton chant disait l'amour, disait la mort!
        Ta voix a-t-elle encore les accents de la guitare monocorde
        Qui dans le pays de sable rythme les contes d'amour?
        Sais-tu encore les psalmodies nocturnes
        Qui font descendre la lune et la transforment en femme? (Nocturne , op. cit.)

        Tu disais ta crainte de l'oiseau géant!
        Tu croyais langue fourchue et mauvais oeil!
        Qui pouvait penser, te voyant si belle,
        Que tu faisais toilette pour Madame-la-Mort? (Requiem , op. cit.)

      Annette M'Baye a le mérite d'avoir balisé le chemin pour ses consoeurs qui prendront la plume après elle ...

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      Notes

      [1] Annette M'Baye d'Ernerville Poèmes africains. Paris: Centre national français, 1965, 20 p.

      [2] Annette M'Baye d'Ernerville Kaddu. Dakar: NEA, 1966, 29 p.


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