DE L'ARTICLE |
9. POUR CONCLURE
mains douces plus que fourrure, Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans la haute brise nocturne[13]
Femme nue, femme noire À ces chants nostalgiques, hommages éternels à des femmes idéalisées à l'extrême dont on cherche vainement l'existence, les femmes répondent par des chants aux sonorités autres et dont les accents n'égrènent pas toujours la mélodie du paradis perdu que les hommes s'évertuent à trouver dans ces femmes qu'ils chantent :
couvre - femme les poètes te couvrent de fleurs sales du village de la participation du linge propre de la conciliation toi l'illuminée sans lumière toi l'ouvrière au noir au noir sans voix toi la somme des bluffs libres libres comme le vent (GDS, p. 54) Même si tous les poètes et romanciers africains n'ont pas représenté la femme africaine à partir de leurs désirs ou fantasmes, il reste néanmoins que la vision idéaliste d'une Afrique paisible et prospère symbolisée par la femme, amante et mère, a du mal à s'effacer de l'imaginaire de nombre d'entre eux qui semblent en avoir besoin pour se ressourcer. Or, les femmes ne veulent plus se contenter de cette image ainsi que l'a si bien exprimé Mariama Bâ :
Ce message de l'une des pionnières du roman africain féminin a trouvé un écho chez ses consoeurs dont l'exaspération face à cette image surannée d'elles, les a tout naturellement conduites vers la création de personnages rebelles qui leur ressemblent et dont le message de contestation ébranle la tradition :
de l'autre côté du Mur la frontière à trouer comme un essaim d'abeilles sans passeport comme un nuage de criquets sur Johannesburg sur Pretoria nous irons ensemble comme un nuage fondant chanter un requiem noir pour l'Apartheid (GDS, p. 60) La toile de fond pour les poètes comme pour les romancières est un espace de lutte effrénée contre un quotidien fait de douleur, de pleurs, de misères; on voit alors se déployer des figures de femmes révoltées contre un statut social imposé arbitrairement et décidées à mener leur propre quête jusqu'au bout. Des femmes atypiques apparaissent alors qui prennent leur destinée en main et remettent en cause les traditions. Les poètes décrivent des femmes qui disent leur désir sans honte, crient leur révolte face aux misères et aux injustices sociales. L'image des femmes soumises à leurs maris ou à leurs pères, absentes du champ social où tout se joue, s'évanouit peu à peu. Le décor change et les acteurs avec lui. En se réappropriant l'image longtemps tronquée d'elles-mêmes, les femmes poètes essaient d'en donner le meilleur reflet possible, à leur manière et indépendemment de leurs confrères. La rébellion contre un discours hégémonique dominant s'organise à travers la création de personnages évoluant dans des conditions nouvelles et véhiculant un discours différent. Une ère nouvelle a commencé et l'histoire d'une autre écriture en train de se faire en témoigne. La poésie africaine au féminin ne chante pas les valeurs perdues de la Négritude, elle ne s'inscrit pas plus dans le discours féministe occidental, mais elle professe simplement l'existence des femmes africaines et exige qu'on prête attention à la voix de ces dernières. Le premier acte de rébellion des écrivaines et poètes a consisté à braver les interdits, à briser le tabou du silence et à prendre la parole afin de raconter leur propre histoire sans intermédiaires mais comme le résume à merveille Nafissatou Diallo :
Poétiquement vôtre.
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[13] Léopold Sédar Senghor, "Nuit de Sine", Chants d'Ombre, Paris, Seuil, 1984, p. 14.
[14] Idem,"Femme noire", op. cit., p. 16.
[15] Mariama Bâ, "La fonction politique des littératures africaines écrites", Écriture française dans le monde, vol. 3, no 5, 1981, p. 6.
[16] Nafissatou Diallo, De Tilène au Plateau, une enfance dakaroise, p. 132