DE L'ARTICLE |
3. KINE KIRAMA FALL ... Kiné Kirama Fall est l'une de ces voix porteuses d'espoir qui introduit par ses Chants de la rivière fraîche (que dans les citations nous allons abréger en CRF) [3] et Les Élans de grâce (LÉG)[4], une thématique neuve dans le champ de la poésie africaine. L'amour sensuel et la religion, jusque là occultés par pudeur ou par crainte, trouvent sous la plume de cette poète passionnée un développement inattendu, donnant par là - même un grand élan à l'expression encore timide des premières voix féminines.
Chants de la rivière fraîche ou l'hymne
à l'amour!
De mon pays natal Le temps de remonter à mes sources, à mes Ancêtres (Mon Pays natal , CRF, p. 55). Cette terre natale constitue un point d'ancrage essentiel, parce qu'elle évoque la quiétude, l'apaisement.
Où repose tout ce qui demeure, Source de vie de tout ce qui Vole, vit et meurt, Arbres, animaux, êtres et choses (idem.)
Au seuil du jour, Aujourd'hui davantage que les autres fois, J'avais la nostalgie de toi, De ton panorama de verdure, de fleurs, De ton parfum innocent, Du bleu de ton ciel. (...) Je t'aime, je t'aime. Aujourd'hui je te le dis Davantage que les autres fois (La Forêt , CRF, p. 16.)
Que tes baisers puissent calmer ma soif, Que mon coeur batte au rythme de ton souffle, Que ton regard chaud de tendresse Se pose sur moi. Que la caresse de tes mains chauffe mon corps. Je veux entendre ta voix sortir de l'océan profond de l'amour Comme une plante rare du paradis. Je veux renaître dans tes bras. (L'Espoir , CRF, p. 15.) Tout le recueil est habité par cet élan de la passion qui dévore mais se répand langoureusement comme des notes sensuelles sur un fond lancinant d'incertitude.
Au bord de l'eau, Par un jour de brume. Le soleil hésitait. Me tenant dans ses bras Il me berçait avec tendresse. Le blanc de ses yeux
L'évocation de la passion amoureuse est ainsi alternée de ces interrogations angoissantes:
Si tu n'es pas mon amour, Va, va très loin de moi Si tu n'es pas mon amour Que le vent t'emporte loin de moi. Mais si tu es mon amour, Reste et garde-moi dans tes bras
La passion peut-elle effacer le doute?
Dans un tourbillon de plaisir. La raison avait fui très loin, Mon bonheur avait le goût du rêve, Aucun mot ne sortait de mes lèvres, J'étais l'esclave de ses yeux En ce jour de brume Au bord de l'eau (Dans la nuit chaude , CRF, p. 51)
Si tu n'es pas mon amour, Laisse-moi et va très loin de moi, Si tu n'es pas mon amour, Que le vent t'emporte loin de moi, Mais il subsiste néanmoins un petit espoir :
Reste et garde-moi dans tes bras Jusqu'au matin. Ce petit espoir peut grandir par la magie de l'amour comme le laissent supposer ces notes :
Sur ce lac de bonheur, Mon coeur s'affolait. À mon silence, Son regard s'assombrit. Il me prit le visage Comme un cheval fougueux, Et l'ardeur de son baiser Avait le goût de l'ivresse. La brise et la mer chantaient Emportant mes doutes comme une paille. (Un Jour de brume, CRF, pp. 37-38.)
Longtemps longtemps, longtemps, Je t'aimerai, je t'aimerai
Toujours.
Tant que le soleil
Je t'aimerai
Les Élans de grâce : une quête profonde de
spiritualité
Où puisez-vous le renouvellement De vos fougues jusqu'au crépuscule? (LÉG, p.11)
Peux-tu me dire
Toi qui règnes au-dessus du sable
Dis-moi
Car ta beauté m'éblouit Accueille mon âme O Ciel Qui s'envole vers toi Et va dire au maître Assis plus haut Les souffles exaltants De mes rêves bleus (LÉG, p. 59)
Les essences et les parfums Demain dans ma demeure Je mettrai toutes mes parures Mes plus beaux habits Et je prierai mon Dieu (LÉG, p. 60)
Je lui souris Elle berça en chantant le lac Le lac berça ses vagues Les vagues bercèrent les sables Et comme des neiges de dentelles Ces flux et ces reflux Dansaient au bord de la place Mêlés au parfum de la brise A l'envol et aux cris des oiseaux Tout berça mon coeur L'air chantait, ravi Tout coulait Tout respirait l'amour, la vie Il y avait Le dandinement des cygnes Au bord du lac L'éventail des papillons partant là-bas (LÉG, pp. 50-51)
Une berceuse que vous chante mon coeur Des cordes du plus profond de lui Se tendent comme un arc vers Vous Vous dit et vous redit toujours Je vous aime et vous adore Seigneur C'est un chant que vous chante mon coeur Inlassablement Cette mélodie finira en moi Quand finira ma vie Si mon chant vous plaît Seigneur Gardez-moi sous votre sein toujours (LÉG, p. 60).
Avec des élans de grâce J'étais la symphonie lumineuse et sublime Le bras du vent Qui tend et qui donne O berce-moi berce - moi Fouille-moi zéphyr Goutte-moi Porte-moi Rien au-delà des apparences et des formes Sur sa robe du bleu clair Et toujours plus limpide du ciel Dans le verbe du silence Au-delà des paroles Et là garde-moi (LÉG, p. 51) Dans cette atmosphère exaltée, seul le silence a maintenant droit de cité et seule aussi la puissance inébranlable que la croyante soupçonne derrière ce silence compte vraiment :
Il n'y a que l'unique gloire de Dieu Et rien n'est comparable A l'essor de la Nature quand elle chante l'Amour Au sublime que donne l'Esprit Maintenant je sais Depuis que mon âme a sondé l'air des cieux Que rien n'est comparable vraiment rien Au Rayonnement de l'Esprit (LÉG, p. 52) |
[3] Kiné Kirama Fall Chants de la rivière fraîche. Dakar: NEA, 1975, 64 p.
[4] Kiné Kirama Fall Les Élans de grâce. Yaoundé: Clé, 1979, 75 p.