DU DOSSIER 5. Trait de culture, fait religieux 7. Politique des états africains
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L'excision est une coutume qui n'a rien à voir avec la
religion
Le point de vue des Islamistes A l'exception d'Oman, les pays du golfe comme l'Arabie souadite et une grande partie des pays islamiques ne pratiquent pas l'excision. Aucune sourate, aucun hadith ne recommande l'obligation de l'excision (confirmée par Mme Penda Mbow, historienne et islamologue, université Cheikh Anta Diop, Dakar-E-mail du 11.3.99). De plus, les 4 filles du prophète lui-même n'étaient pas excisées. Ce fait devrait inciter les islamistes partisans de l'excision à revoir leur position. La seule allusion que l'on trouve dans les hadiths et qui rapporte la parole du prophète est une recommandation qu'il aurait faite, au cours d'un voyage à Médine, à Um Habiba, une exciseuse d'esclaves, de ne "pas tout enlever et d'être prudente" au cours de l'opération:
Pour Nawal El Saadawi, ce conseil prouve que le prophète n'a jamais recommandé vivement la pratique de l'excision. On pense souvent que la clitorectomie a fait son apparition en même temps que l'islam. En réalité, cette coutume était déjà répandue dans plusieurs régions du monde, dans la péninsule arabe. Le prophète Mahomet a tenté de l'enrayer, car il considérait la clitorectomie comme nuisible à l'équilibre sexuel de la femme (Naoual El Saadaoui La face cachée d'Eve, p.103 et Tschador. Frauen im Islam, p.44) La Charia n'ordonne pas l'excision, mais reconnaît sa valeur. Au point de vue social, elle confère une marque d'honorabilité aux femmes. Aucune sourate du Coran ne recommande ou n'exige l'excision. Ceux qui s'y adonnent ne suivent pas un précepte "hadith"ou un commandement "sunna", mais une simple tradition. Dès lors on comprend que cheikh Tantawi, grand iman d'al-Azhar (Egypte) ait pu révélé que sa fille n'avait pas été excisée :
Cette coutume s'est transmise de génération en génération, et avec le temps, elle a été associée abusivement à la religion, pour finalement se confondre dans l'imaginaire de bon nombre de musulmans comme étant un commandement du prophète. "Nous sommes des musulmans, et c'est à ce titre que nous faisons l'excision", affirment-ils et cette phrase revient comme un leitmotiv lancinant chaque fois que l'on pose la question (Propos recueillis par Halimata Sy. Marie-Hélène Mottin-Sylla. Excision au Sénégal. Série études et recherches. Enda-Dakar, no. 137, novembre 1990, p.100)
Les Halpulaar de la vallée du Fleuve par exemple, se basent sur l'islam et affirment que tout musulman devrait la pratiquer, car c'est un acte de purification. Une jeune Halpular scolarisée:
Les partisans de l'excision qui s'appuient sur l'islam donnent en fait une image fallacieuse et sanguinaire de la religion de Mahomet. Ils la présentent comme une religion en faveur de la violence et de la torture, ce qui n'est pas conforme à l'esprit du Coran qui préconise la tolérance dans tous les domaines de la vie. Le point de vue des chrétiens Si en général, la plupart des filles excisées sont issues de pays d'obédience islamique, Il faut souligner que certains chrétiens s'y livrent également. Selon Léo Frobenius les Haoussas du nord-Nigéria ne pratiquent pas cette coutume, contrairement aux chrétiens du sud du Nigéria, du Burkina Faso, du Kenya et de l'Afrique de l'est en général(Leo Frobenius. Kulturgeschichte Afrikas. Prologomena zu einer historischen Gestaltlehre. Zürich: Phaidon Verlag, 1954. Reprint: Wuppertal: Peter Hammer Verlag, 1993, p.177). Il en est de même de certains Africains expatriés en Europe ou ceux de la Corne de l'Afrique, émigrés aux Etats-Unis qui restent parfois très attachés à cette coutume (cf. Celia Dugler. New York Times). Les chrétiens égyptiens ainsi que les juifs de l'ancienne Abyssinie, actuelle Ethiopie, nommés Falachas pratiquaient l'excision (Leslau Wolf. Coutumes et croyances des Falachas. Paris: Institut d'ethnographie, 1957, p.93) Emigrés en Israël au début des années 70, les Falachas ne pratiquent plus l'excision. Selon le Prof. Belmaker de l'université de Beersheva (Israël), la pression sociale ne jouant plus aucun rôle, cette pratique a en l'espace de 15 ans complètement disparu et perdu toute sa valeur aux yeux des Falachas. L'équipe du Prof. Belmaker a ausculté 113 Juives Ethiopiennes âgées de 16 à 47 ans et a trouvé que 42% possédaient d'anciennes cicatrices. Onze femmes (soit 10%) avait subi une amputation totale du clitoris et du prépuce. Dans 19 cas (soit 17%) le clitoris n'était qu'en partie endommagé et dans 8 cas (soit 7%) on notait une légère incision d'environ 1 cm des lèvres. Quatre femmes (soit 3%) avaient des cicatrices d'incision sur le prépuce clitoral. Il est intéressant de noter que 71 femmes, soit 63%, ne présentaient aucune lésion des organes génitaux. L'équipe n'a relevé aucun cas d'infibulation :
Cette étude empirique confirme la thèse de D. Harel qui déjà en 1967 mentionnait que les Falachas ne pratiquaient plus l'infibulation. (D. Harel. "Medical Work among the Falasha of Ethiopia". Israel Journal of Medical Science 3, 1967, pp.483-490) Au Kenya, l'Eglise protestante avait tenté dans les années 20 d'abolir cette coutume. Les milieux traditionnels avaient réagi avec indignation - et même le président Kenyatta connu pour son libéralisme avait déclaré qu'aucun Kenyan digne de ce nom ne devrait épouser une femme qui ne soit pas excisée.
Cependant il faut replacer cette citation dans le contexte historique de l'époque. En pleine période de lutte pour l'indépendance où l'excision jouait le rôle de passeport, elle était la condition sine qua non pour le mariage dans la société kikuyu. En outre, vouloir abolir l'excision aurait ébranlé les fondements d'une institution qui caractérisait le rite de passage d'une classe d'âge à l'autre. Pour Jomo Kenyatta l'éradication du "Irna" (excision) signifiait à l'époque accepter la destruction de l'ordre social et "l'européanisation de notre peuple". Depuis, beaucoup d'eau a coulé sur les rives du lac Victoria et le Kenya s'est engagé dans une campagne contre les mutilations génitales féminines. En 1983, 14 jeunes filles qui avaient été excisées dans un hôpital de Nairobi ont trouvé la mort, ce qui a incité les autorité kenyanes a promulgué un décret contre la pratique de l'excision ("Kenya Courage", juillet 1983, p. 25). La loi tout comme au Soudan, n'a eu qu'un effet limité sur les populations où la pratique perdure. Jusqu'à présent, l'église catholique ne s'est pas prononcée officiellement sur la question. Elle reconnaît le courage des jeunes filles qui acceptent d'être excisées afin de défendre l'honneur de la famille. En revanche, les églises africaines qui sont confrontées aux problèmes ont pris nettement position. Lors du séminaire sur "Excision: culture et religion" organisé à Kolda (sud-est du Sénégal) par Enda-Tiers en 1993 (Non à l'exision. Fonds de développement des Etats Unis pour la femme. Dakar: UNIFEM, 1997, p.32), le révérend-père Lopy a déclaré:
L'archevêque de Dakar, le cardinal Hyacinthe Thiandoum, à l'occasion de l'assomption en 1995 s'est aussi prononcé contre cette pratique. En se référant au cinquième commandement, il a affirmé que Moïse interdit toute atteinte à la vie (Le Soleil mercredi 16 août 1995). Le cardinal a réitéré ses propos lors du lancement du plan d'action régional pour accélérer l'élimination des mutilations sexuelles féminines:
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