DU DOSSIER 5. Trait de culture, fait religieux 7. Politique des états africains
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Le problème de l'excision est un problème socioculturel
complexe qui exige beaucoup de doigté si l'on veut parvenir
à des résultats tangibles
Comme l'a déclaré Henriette Kouyaté lors de son interview avec Alice Walker, les mouvements féminins en Afrique militent ouvertement en faveur de l'abolition des mutilations sexuelles. Certains individus s'y opposent depuis près d'un demi siècle. La Conférence Internationale sur les Femmes à Beijing en août-septembre 1995 a amorcé le processus final d'éradication de ces mutilations. C'est ainsi qu'au Mali en août 1996, les exciseuses malienne ont remis officiellement leurs "couteaux" à la présidente de la République et elles ont promis de s'adonner à d'autres occupations. Même si dans la pratique, il semble qu'un certain nombre d'exciseuses continuent leur travail, ce fut un moment intense au sein de la population féminine. En effet, ces "couteaux" avaient une valeur symbolique et mystique car, personne ne les avait jamais vus. (Communication personnelle de Nana Dante, chercheur Malienne, au Colloque de Laval "La Recherche féministe dans la francophonie plurielle". Septembre 1996. Université de Laval. Québec) La lutte contre l'excision se poursuit dans toute l'Afrique que ce soit sur le plan politique, littéraire ou artistique. Au Tchad, Zarah Yacouba a réalisé en 1997 un film intitulé Dilemme au féminin où elle montre les méfaits de l'excision. La chanteuse Togolaise Pierrette Adams sillonne les planches des théâtres d'Afrique - elle s'est produite au théâtre Daniel Sorano de Dakar le 28.4.99 - et "chante les dangers que provoque l'excision" (Le Soleil, 20 avril 1999, p.4) Les émissions de télévision, le théâtre populaire en langues nationales atteignent les régions les plus reculées afin de sensibiliser les populations. C'est ainsi qu'au Burkina-Faso, le film la Duperie, tourné dans le sud du Nigeria et projeté aux chefs coutumiers de la province du Yatenga a eu pour effet l'adhésion des dignitaires qui se sont engagés à lutter contre cette pratique (Joëlle Stolz. "Le Burkina-Faso fait reculer l'excision" Le Monde diplomatique. Septembre 1998) Dans son appel à l'action globale, le Dr. Toubia Nahid, chirurgienne et originaire du Soudan, exige l'abolition de l'excision en se référant aux diverses déclarations sur les droits de l'homme que presque tous les gouvernements africains ont signées. Les lois existent et il faudrait que les autorités locales respectent leurs engagements. (Toubia Nahid. Female Genital Mutilation : A Call for Global Action. New York, 1993) Le Dr. Olayinde Koso-Thomas a élaboré un plan quadriennal qui permettrait d'abolir progressivement l'excision, tout en favorisant une prise de conscience des chefs coutumiers, des exciseuses et des excisées potentielles. Ce plan permettrait aux matrones, dirigeantes des sociétés secrètes, chargées de l'initiation des jeunes filles, de se recycler dans un autre domaine. Les exciseuses regrouperaient comme dans le passé les fillettes durant quelques semaines et les initieraient aux diverses méthodes de contraception, connaissance des plantes et des soins, technologies agraires, conservation des aliments etc... La période de retraite serait utilisée à d'autres desseins en accord avec notre époque et les jeunes filles du coup ne verraient pas détruit du jour au lendemain le sentiment d'appartenance à un même groupe. (Olayinka Kosomo-Thomas. The Circumcision of Women: A Strategy for Eradication. London: Zed Press, 1992) Les mouvements féminins et les ONG ont élaboré les premiers projets afin d'abolir l'excision en Afrique. En 1979 la CAMS, Commission Internationale pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles, a été créée à Paris. Elle regroupe toutes les personnes de bonne volonté qui veulent participer à l'éradication des mutilations sexuelles. A la suite de la création, à Dakar en février 1984, du Comité Inter-Africain sur les pratiques ayant effet sur la vie des femmes et des enfants des sections locales ont vu le jour dans presque tous les pays africains. L'abolition des MGF constitue l'un des objectifs primordiaux de cet organisme. Mme Victorine Odounlami, présidente de la section CI/AF/Bénin résume ainsi le but que poursuit cet ONG dans son pays:
Mais le problème est complexe et il doit être examiné en fonction d'un contexte socioculturel varié. Par exemple, en Sierrra Leone, le débat sur ce sujet a donné lieu à des controverses de tous ordres. Des femmes excisées ont vivement critiqué l'argument qui fait de l'excision un moyen de domination patriarcale.
Le problème de l'excision est un problème socioculturel complexe qui exige beaucoup de doigté si l'on veut parvenir à des résultats tangibles. En 1988, l'UNESCO a organisé une conférence à Paris "Violence et mutilations sexuelles faite aux jeunes femmes et fillettes", sous l'égide d'Awa Thiam. Les participantes à cette conférence ont violemment condamné la polygamie et les mutilations génitales féminines. Elles ont demandé aux gouvernements concernés d'abolir ces deux institutions, de poursuivre en justice toute forme de violence exercée contre les femmes, et de consacrer au moins 20% de l'aide internationale perçue à des projets féminins. Grâce à l'engagement des mouvements féminins, entre autre des "grassroots", six pays d'Afrique ont voté des lois pour abolir les MGF: le Soudan, le Kenya, le Sénégal, le Burkina-Faso, La Côte d'Ivoire, le Ghana. UNIFEM (Fonds de développement des Nations-Unis pour la femme) oeuvrent en Afrique pour la promotion de la femme dans tous les domaines. Au Sénégal, il s'est associé à la campagne contre l'abolition des mutilations par un plan d'action en accord avec ENDA-Tiers Monde. FORWARD (Foundation for Women's Health, Research and Development). Les objectifs de cet organisme étaient de créer un groupe de travail qui soutiendrait les efforts de l'organisation des droits de l'homme "Minority Right Group" à Londres. Sous l'égide de Efua Dorkenoo, une sage-femme originaire du Ghana, FORWARD est devenue une organisation internationale et s'est développée dans plusieurs pays d'Europe et en Amérique. Efua Dorkenoo, figure de proue du mouvement pour l'abolition des MGF en Europe fut à la tête de cette organisation qu'elle a dirigée pendant plus de dix ans. Elle a milité afin que les filles d'immigrées en Angleterre ne subissent pas l'excision. En 1994, Mme Dorkenoo a été décorée de l'Ordre de l'empire Britannique "British Empire Award". Actuellement, elle travaille pour l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) à Genève. Les mouvements féminins africains saluent tout acte de solidarité émanant des pays du Nord, mais sont unanimes pour se démarquer de toutes ingérences à tendance raciste ou publicitaire qui donnent la primauté aux images-choc et au ton agressif.
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